COMPTE-RENDU – Dans le cadre du Rungis piano piano festival, qui a la particularité de ne programmer que des duos de piano ou à quatre mains, les jazzmen Paul Lay et Bojan Z ont rivalisé de joutes improvisatoires, avec un talent et un brio certains.
Deux pianos sur scène
Rungis : son Marché d’Intérêt national (marché central de Paris, destiné à alimenter les professionnels de toute la région Ile-de-France ; également le plus grand marché de produits agricole du monde)… et son Théâtre municipal. Riche d’une programmation croisant théâtre, arts du cirques et musiques, il accueille également, pour la 4ème année, une proposition originale : le Rungis piano piano festival. Conçu et réalisé par le couple de pianistes, à la scène et à la ville, Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle, il relève le défi de ne programmer que des duos de pianistes, en 2 pianos ou à 4 mains.
Ont ainsi eu l’occasion de se produire au Rungis Piano Piano Festival André Manoukian et Jean–François Zygel, Hélène Mercier et Louis Lortie, les sœurs Labèque, Thomas Enhco et Baptiste Trottignon ou encore les vedettes internationales que sont les Américains Anderson & Roe.
Maître Paul Lay et maestro Bojan Z
Pour le concert du 26 septembre dernier, ce sont deux jazzmen qui n’avaient jamais eu l’occasion de se produire ensemble en concert qui se sont avancés sur scène. Côté cour (à droite en regardant la scène), j’ai nommé Paul Lay, Victoire du jazz 2020 et professeur de piano jazz au CNSM. Côté jardin (à gauche en regardant la scène), j’ai nommé Bojan Z, Victoire du jazz 2012, né à Belgrade et installé en France depuis 1998. NB : si son nom de scène, Bojan Z, laisserait plutôt à penser qu’il est un rappeur originaire du Bronx (New York), c’est parce que son nom complet est Bojan Zulfikarpašić. Finalement, on se dit qu’il n’a pas eu tort de simplifier son nom…
Quant à sa musique, elle est puissante et inventive, croisant et fusionnant avec talent plusieurs cultures, le tout sublimé par un sens aigu de l’improvisation. Sens aigu de l’improvisation ? Parlons-en, car Paul Lay n’est pas en reste, avec sa capacité unique de monter en puissance, insensiblement, pour un climax souvent époustouflant de technique et de brillance !
Pour le plaisir
Intitulé tout simplement Our favorite songs (nos chanson préférées), le programme de leur concert a également permis de révéler, de manière frappante, la très fine entente musicale qui les relie. Même sonorité, touché similaire, technique pianistique et improvisatrice comparable, la symbiose était vraiment frappante. Que ce soit sur des musiques de Paul Lay (Dolfins, dédiée à sa sœur Delphine, Argos ou encore une relecture de L’hymne à la joie de Beethoven), Bojan Z (Mamaloya, dédiée au musicien réunionnais Danyèl Waro ou encore Solobesession), Elton John, Paul Mac Cartney, George Gershwin ou encore Carlos Jobim, à chaque fois, la rencontre a eu lieu. À chaque fois ils se sont échangés les thèmes pour ensuite proposer des improvisations toujours plus inventives et comme enrichies par les propositions que venait de faire le partenaire musical du soir.
Si vous ajoutez à cela que Bojan Z jouait également du piano électrique Rhodes, pour des sonorités à la fois chaudes, artificielles et réconfortantes, et qu’on le vit même improviser de la main gauche sur le piano tout en assurant la grille harmonique de la main droite sur le piano Rhodes, vous vous dites que la liberté du jazz assortie d’une telle maîtrise technique et musicale, ça peut vous emmener vers les sommets !
Promis on reviendra au Rungis piano piano festival en 2024 cette fois-ci en ligne 14, puisque le tronçon jusqu’à Orly sera ouvert !