DANSE – Le Ballet de l’Opéra National de Paris réside à Aix-en-Provence pour quatre représentations du 27 au 30 septembre, sur la piste aux étoiles du Grand Théâtre de Provence.
Ce n’est pas une première, car cinq concerts ont déjà été donnés en 2022, dans le cadre d’une convention de partenariat pour trois ans avec Le Grand Théâtre de Provence. À un jeu de chaises musicales entre Ballet, Orchestre, École de Danse et Académie, s’ajoute cette année une action de médiation au long cours, de mai à septembre, dans les quartiers nord de Marseille : « Dans les pas de l’Opéra ».
Danse à remonter le temps
Si la soirée est placée sous le signe du pas, décliné en Pas de deux, Grand pas ou encore Pas de six, l’éclectisme est de mise, et tout d’abord celui des êtres qui les effectuent sur la scène. Chaque représentation fait commuter les étoiles, de manière à faire voyager le public dans le firmament du Ballet, lui permettre d’en visiter les maisons astrologiques.
L’éclectisme caractérise également celui des genres chorégraphiques, du néo-classicisme d’Auber, jusqu’au son jazzy de Gershwin, en passant par celui, palpitant, de Chopin, avec un vrai piano sur scène. L’éclectisme concerne enfin celui des combinaisons entre les protagonistes : du solo au duo, jusqu’au ballet réunissant une vingtaine de danseurs et danseuses, et qui appellent des regards différents.
Dans cette galaxie de propositions chorégraphiques, on trouve une constante : l’esprit de troupe de cette institution de la danse en France.
Patrimoine vivant
Le rôle de conservation et de transmission de l’excellence concerne en premier lieu les costumes : des bijoux de haute couture fabriqués par une armée silencieuse de petites mains. Un savoir-faire maison qui se transmet dans le secret des ateliers.
Elle se devine ensuite dans la structuration d’un corps extrêmement hiérarchisé, dont quelques figures de légendes à venir, se détachent : Marc Moreau, Sae Eun Park, Audric Bezard, Mathias Heymann, etc. Ainsi, la représentation s’appuie sur de savantes combinaisons, depuis le corps de ballet, les premières danseuses, les premiers danseurs, jusqu’aux danseurs et danseuses étoiles.

Enfin, la longue tradition d’un vocabulaire bien savant : sautillés, tournés, pointés, entrechassés-croisés, etc. Autant de mots du classique, dont l’idée directrice vise à affranchir les corps de l’attraction terrestre, à atteindre le ciel et lutter contre la pesanteur. Le corps est architecturé de manière séquentielle, telle une admirable mécanique, entre ses parties hautes et basses, clairement séparées par le tutu ou la tiare. Il est alors un corps idéal, pur, sans aspérité. Hommes et femmes de Vitruve. En outre, il est genré à l’extrême, selon un parfait antagonisme entre les mouvements fonctionnels dévolus aux hommes – souvent les patrons de la scène – et aux femmes – souvent des poupées de satin -, avec une survalorisation de la taille de guêpe qu’actionnent les mains des danseurs.
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L’extrême contrainte corporelle se devine dans les tremblements minuscules qu’occasionnent les portés. Le moindre faux pas, le moindre temps d’arrêt se perçoit, dans un spectacle, si on regarde à la loupe.
Modernité expressive
L’expressivité sensuelle, existentielle et magnétique s’attache au versant moderne du travail de la danse selon la grande maison parisienne. Les portés, plus organiques, peuvent se faire au ras du sol, afin d’explorer, sans la dénier, la pesanteur. Les gestes jouent sur les étirements, la distance, le toucher, l’abandon, possible ou impossible, dans In the night, avec sa bande-son vivante, sa texture de nocturne, ce chant accompagné par une basse profonde.
Les corps féminins et masculins s’harmonisent dans leur rencontre, s’agrandissent l’un par l’autre, font le creux l’un pour l’autre, construisant des êtres hybrides. La psychologisation se fait palpable, fiévreuse, tendue, avec ce corps de femme trainé sur la scène comme une méchante poupée.

Un contrepoint de pas de deux, de couples différenciés et singularisés, constitue un collectif distinct du grand ballet classique. Chaque duo garde ses gestes et ses espaces propres, tout en construisant un monde commun. Dans un grand manège social, les duos se défont pour des rencontres éphémères.
Le corps moderne peut également se faire orchestral, notamment dans Who Cares ? Les gestes sont accordés aux timbres, dans leur concentration et leur déploiement. La musique semble alors traverser les corps, sans doute parce que sa fonction première est la danse. Pour autant l’écriture chorégraphique prend particulièrement soin d’éviter le marquage évident du « beat », avec son déhanché populaire, même si les pointes font parfois des claquettes !
Le public, qui applaudit les performances à la manière des solos de jazz, salut longuement les protagonistes, distribuant ses plus ferventes louanges, comme il se doit, aux étoiles.
Demandez le programme !
Grand Pas Classique : Chorégraphie – Victor Gsovsky / Musique – D.F.E Auber
In the night : Chorégraphie – Jerome Robbins / Musique – F. Chopin
Who Cares ? : Chorégraphie – George Balanchine / Musique – G. Gershwin
Raymonda : Chorégraphie – Rudolf Noureev / Musique – A. Glazounov