CONCERT – Lieu emblématique de la culture belge, le centre culturel Bozar accueille sur scène le musicien Jean-Baptiste Monnot dans le cadre d’un concert bien particulier. La Salle Henry Le Bœuf, connue pour sa dédicace à la musique d’ensemble abrite un orgue emblématique et imposant au centre de sa scène. Contre toute attente, ça n’est pas sur ce dernier que se produit l’interprète, mais sur sa propre invention portative, j’ai nommé : « l’orgue de voyage ».
He sold his soul for the Rock n’roll
Cultivant le mystère, Bozar sait mettre en valeur l’orgue par une mise en lumière contrastée, rappelant à demi-mot l’univers fantasmagorique du film Phantom of the Paradise (1984) de Brian de Palma. Cultivant le rapport au clavier d’orgue central du film, celui de Jean-Baptiste Monnot est paré de couleurs flashy rouges et bleu. Clin d’œil non-dissimulé au génial Winslow Leach (personnage principal), maître au clavier synthétique-organique. On capte la réf.
Qui à dit que l’orgue était ringard ?
Difficile de décrire l’instrument sans en faire sa promotion. Il semblerait que l’orgue de voyage puisse devenir l’instrument en vogue pour tout amateur de déplacement en délégation. Placé sous la responsabilité de l’association Les Musiques Savantes, l’Orgue du Voyage repose également sur la mise en œuvre de l’académie Bach et le brevet génial de Jean-artiste Monnot (en 2009). Titulaire des orgues de Saint-Ouen (Rouen), assistant de l’organiste de renom Jean Guillou de 2004 à 2014, l’interprète partage les casquettes d’ingénieur, facteur, artisan et organiste.
L’instrument est conçu comme un orgue à tuyaux mobile et adaptable, à la manière d’un piano de concert. Ayant la capacité d’être modulaire, l’orgue peut s’installer en moins de trois heures dans tous les lieux imaginables, à l’intérieur comme à l’extérieur !
De fait, cet équipement s’adapte de manière flexible à son environnement, offrant à l’artiste l’opportunité de rencontrer un large public. Sa capacité à varier les sonorités et sa polyvalence musicale autorisent une exploration étendue de répertoires divers, que ce soit en solitaire ou en collaboration avec d’autres créateurs de musique.
Jean-Baptiste Monnot, en multi
Si l’interprète s’appelle Jean-Baptiste Monnot, il semblerait que son nom puisse s’étendre plus qu’à la stéréo, voir au multi. Avec un pareil dispositif, c’est la spatialisation-même du son qui prend les devant, ajoutant un niveau de lecture supplémentaires aux morceaux choisis.
Accords du cœur : les touches de l’orgue
Proposant une découverte chronologique, Jean-Baptiste Monnot ouvre son programme avec des œuvres intemporelles de Johann-Sebastian Bach : le Prélude en Ré Majeur, BWV 532 et la Sonata sopr’Il Soggetto Reale (extrait de L’Offrande musicale BWV 1079), avant de s’approcher de Jehan Alain et de ses Variations sur un thème de Clément Janequin. Vif, véloce et tenu, Jean-Baptiste Monnot fait corps avec l’instrument. Décalage total entre la mise en scène métallique et boisé, entre analogique et numérique, l’auditoire fait face à l’histoire du temps, à la nostalgie mi-messianique, mi-romantique de la touche. En pleine forme pour les Fantaisies KV 608 de Mozart, la générosité de l’interprète rejoint l’ultra-précision du toucher en cascade.
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Pure nostalgie romantique, le Concerto op. 3, n° 9 RV 230 de Vivaldi témoigne d’une lecture moderne de l’opus, la transcription pour orgue ayant été faite par Jean Guillou. Rassemblant les temps et les rythmes de modernité, Jean-Baptiste Monnot fait ensuite hommage à son prédécesseur, mettant en avant la partition des Feux du silence (Hypérion op. 45), magistral et sombre, avant de clôturer le récital par le Prélude et fugue n°1, op. 7 de Marcel Dupré.
Dans cette histoire de temps et de touches, la passion de l’interprète est interpellante. Nous lui souhaitons un beau voyage, accompagné de son orgue.
