COMPTE-RENDU – La pianiste Hélène Grimaud se produisait au Théâtre des Champs-Élysées (Paris), en compagnie du London Philharmonic Orchestra, dans un programme 100% Brahms : premier Concerto pour piano, première Symphonie et deux bis du plus viennois des compositeurs hambourgeois. Une monographie polychrome.
Une artiste porte-voix
D’un pas long et décidé, la pianiste Hélène Grimaud arpente depuis plusieurs décennies les plus prestigieuses salles de concert du monde entier. Ayant démarré sa carrière jeune et en flèche, à la fin des années 80 (notamment grâce à ses concerts avec Daniel Barenboïm à la tête de l’Orchestre de Paris), on est presque surpris de la retrouver à présent, âgée seulement de 54 ans. Celle qui considère avoir été appelée à devenir pianiste concertiste se souciait déjà, bien avant que cela soit dans l’air du temps, de la préservation de la nature. Après avoir créé le Wolf Conservation Center (Conservatoire mondial des loups) près de New-York, car, dit-elle, « les loups sont essentiels pour le maintien de la biodiversité », elle se préoccupe à présent du sort des chevaux mustangs, en voie de disparition dans les grands espaces américains, espaces eux-mêmes menacés d’être réduits à peau de chagrin. Le 15 novembre, la pianiste Hélène Grimaud se produisait donc en concert avec le London Philharmonic Orchestra au Théâtre des Champs-Élysées, dans un programme 100% Brahms, et ça valait la peine d’y assister !
Un programme majestueux et impressionnant…
Ça valait la peine d’y assister, déjà pour le répertoire lui-même : rarement donné en concert, il est extrêmement sollicitant pour l’ensemble des musiciens intervenants, du soliste au chef en passant par les membres de l’orchestre. Le Premier concerto tout d’abord. D’une durée approximative de cinquante minutes, tout chez lui est surdimensionné. La partie de soliste, précédée d’une -très!- longue introduction orchestrale, demande une endurance à toute épreuve et des mains de forgeron, tant il y a d’octaves en battue et de trilles à asséner, tout en se frayant un chemin à travers la trame large et rutilante déployée par l’orchestre ! Même le mouvement lent ne laisse aucun répit, soutenu qu’il est en permanence par une tension et une profondeur quasi-mystique. Le final, enfin, avec ses entrées en imitation fusant de partout et mené par un piano hardi et conquérant, à grands coups d’octaves en tierces et sixtes et de chromatismes vertigineux, parachève cette impression de griserie des sommets.
Que dire ensuite de la Première symphonie, toujours de Brahms ? Parfois surnommée « la dixième symphonie de Beethoven », on y retrouve en effet une construction classique sur laquelle viennent se greffer des thèmes bien dessinés permettant des développements amples, ainsi qu’une évocation idyllique de la nature, avec un usage particulièrement soigné des cors et de la petite harmonie (flûtes, hautbois, clarinettes et bassons). Chose suffisamment rare pour être notée, le pupitre d’altos a l’occasion de se faire entendre, ayant, à de nombreux passages, le rôle de tenancier de la ligne de basse. Dans cette symphonie, tout comme dans le premier concerto pour piano, le rythme est haletant, ample, généreux, faisant penser à un marcheur à pas de géants, auprès duquel il faudrait trottiner pour se maintenir à sa vitesse !
…porté par des interprètes qui le furent tout autant
Heureusement, les interprètes de ce concert furent des sherpas de premier ordre ! À commencer par les musiciens du London Philharmonic Orchestra, suffisamment disciplinés, solidaires et athlétiques pour restituer haut la main ces deux partitions de grande envergure, conduits par la baguette sûre et efficace de leur chef principal Edward Gardner.
Enfin, que dire de la première de cordée ? Qu’elle tint son rôle avec maestria, élégance, bravoure et panache. Qu’en puisant profond dans ses ressources intérieures elle domina le sujet, capable non seulement de restituer la diabolique écriture de la partie piano du Premier concerto (harmonies sans cesse changeantes, modulations fréquentes et aventureuses, chromatismes en ribambelles, digitalité à la limite du jouable…) mais également d’en faire émerger toute l’agogique et l’intention musicale.
Hélène Grimaud dit sortir « lessivée » de ses concerts ; on le serait à moins. Avec cette prestation, nul doute qu’elle aura embrahmssé son public !
Merci pour ce compte rendu.
C’est vrai qu’Helene Grimaud met tout son cœur à nous transmettre son amour de Brahms !
Et grâce à son talent et son implication, c’est ainsi qu’elle nous ravit !!!!