AccueilA la UneDes “arias oubliées”, heureusement pas par tout le monde

Des “arias oubliées”, heureusement pas par tout le monde

COMPTE-RENDU – Ce 24 novembre à l’Arsenal de Metz, le contreténor Philippe Jaroussky donnait, avec l’ensemble Le Concert de la Loge, de Julien Chauvin, le concert Forgotten arias. Une nouvelle occasion, pour cet infatigable défricheur, d’interpréter des pages totalement inconnues :

Haendel et Vivaldi, vous connaissez probablement, mais même pour eux, Philippe Jaroussky se sera penché en un quart de siècle sur leurs pages plus rares voire inédites. Idem pour Caldara, Cavalli, Porpora mais aussi Bach (pas le fameux Jean-Sébastien mais l’un des autres de cette si riche tribu de musiciens : Jean-Chrétien). Ainsi, lorsqu’il n’incarne pas les premiers rôles d’opéras fameux, Philippe Jaroussky se met-il au service de ces œuvres rares qu’il réunit, comme ici, dans une grande cohérence. Les compositeurs de cette tournée d’arias oubliées se sont illustrés partout en Europe au cours du troisième quart du 18e siècle. Si certains noms sont désormais connus, grâce aux considérables avancées réalisées ces dernières décennies par nos musiciens spécialistes du baroque, d’autres n’évoqueront pas grand-chose à l’esprit du mélomane d’aujourd’hui.

Oublier d’oublier…

D’aucuns ont certes déjà entendu des œuvres de Hasse, Traetta, Jommelli ou du Bach dit de Londres ou de Milan – comprendre Jean-Chrétien –, mais qui pourra se targuer de connaître Michelangelo Valentini, Andrea Bernasconi ou Giovanni Battista Ferrandini ? Hé bien désormais : les auditeurs en sortant de ce concert.

À Lire également : Philippe Jaroussky - une voix et un cœur d'ange

C’est donc tout à l’honneur de Philippe Jaroussky et Julien Chauvin d’avoir su construire un programme fait de pages entièrement inconnues, mais parfaitement en phase les unes avec les autres. Presque toutes, d’ailleurs, sont extraites d’opéras composés sur un livret de l’incontournable Métastase : Demofoonte, Catone in Utica, La clemenza di Tito, L’Olimpiade, Artaserse sont des titres désormais célèbres, même si les extraits entendus lors du concert ne sont pas forcément tirés de la meilleure mise en musique qui fut. Les airs d’Artaserse sont de Bach et de Jommelli, ceux de L’Olimpiade composés par Traetta et Bernasconi… mais on notera, parmi les découvertes les plus marquantes, le magnifique « Gelido in ogni vena » composé par Ferrandini, qui ne manquera pas de rappeler l’air composé sur le même texte par Vivaldi pour son opéra Il Farnace.

Retrouver le dialogue

Le concert se déroule selon une alternance savamment étudiée de pages vocales et de morceaux instrumentaux, d’airs de vélocité virtuose et de pièces chantées plus intériorisées, destinées à exprimer toute la gamme des affects et émotions de l’âme humaine. Le Concert de la Loge fait certes œuvre d’accompagnateur, mais la direction ardente et frénétique de Julien Chauvin parvient tout aussi bien à donner corps et substance aux diverses sinfonie intercalées entre les pièces vocales. Particulièrement applaudie, la fuga a la breve de Hasse a su faire grande impression. D’autant que Julien Chauvin n’oublie jamais, lui non plus, de faire dialoguer idéalement ses instruments, entre eux et avec le chant (même les deux cors, instruments difficiles, auront également été particulièrement appréciés dans les pages les plus vaillantes). 

Re-trouver la voie

Dans un programme comme celui-ci, c’est forcément le chanteur que le public est venu entendre. Fort d’une expérience de près d’un quart de siècle, Jaroussky maîtrise évidemment toutes les difficultés techniques de ces pages, qu’il interprète sans recours à la partition et cela en dépit de leur absolue rareté ! Sa virtuosité et sa vélocité forcent le respect, même s’il faut reconnaître que l’instrument n’a plus la même souplesse et homogénéité. Les registres sont désormais dangereusement dessoudés, et le recours presque incessant à la voix de poitrine pour les notes les plus basses nuit gravement à l’élégance de la ligne. On note également ici et là d’inquiétantes fêlures ou baisses de régime pour les phrases un peu longues, voire quelques attaques hasardeuses. L’énergie déployée tout au long du concert reste cependant intacte, et le chanteur parvient en deuxième partie de programme à trouver, pour ses cadences dans le haut médium de la voix, quelques très beaux sons filés qui auront fait tout le prix de ce concert.

Et pour et contre

Le public, fort nombreux, a réservé un triomphe à l’un de ses chanteurs fétiches, lequel a accordé en unique bis un des airs sur lesquels il a en partie construit sa réputation, le sublime « Vedrò con mio diletto » (“Je verrai avec joie” et nous l’entendîmes également !) extrait du Giustino de Vivaldi. Un air qui sut également faire la célébrité du nouveau contre-ténor de sa génération : 20 millions de vues depuis 2017 sur YouTube pour Jakub Józef Orliński qui poursuit lui aussi en ce moment même une tournée de récitals réinventant le genre. Comme quoi on peut être et pour et pour les contre-ténors.

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