CONCERT – À l’heure du décompte des fêtes de fin d’année, l’Orchestre d’Harmonie de Vichy se fait toujours fort de respecter deux traditions : organiser un grand concert de Noël…et remplir l’Opéra de la cité thermale. Une mission une nouvelle fois remplie en ce mois de décembre, où la phalange bourbonnaise reçoit même un soliste de niveau international. Champagne !
L’an passé, ses musiciens avaient mis les c(h)œurs en fête, avec un concert dédié aux grands airs pour ensembles vocaux. Cette année, pas de choristes sur scène, mais une ambiance toujours festive pour ce concert de l’Orchestre d’harmonie de Vichy (OHV), formation instrumentale incontournable dans le paysage culturel local qui a fêté son 125ème anniversaire en 2022 et qui se porte mieux que jamais, merci. Il y a là des professeurs du conservatoire, de jeunes musiciens en voie de professionnalisation, et surtout beaucoup d’amateurs passionnés par la pratique instrumentale, tous tirant vers le (très) haut une phalange qui est comme chez elle, ici, dans l’écrin somptueux de l’opéra thermal.
Oh Oh Ooo…HV !
Et puisqu’il s’agit donc bien là d’un concert de Noël, quoi de mieux que de commencer par une Ouverture Festive, celle de Dmitri Chostakovitch (écrite en 1954 pour célébrant les trente-sept ans de la Révolution d’Octobre), qui permet à l’harmonie, sous la direction experte et appliquée de Joël Jorda, d’annoncer la couleur : déjà, tout n’est que sonorités capiteuses, cuivres majestueux et bois à l’emportement délicieux. Ce qui vaut aussi pour cette Fanfare de la Péri de Paul Dukas, confiée aux seuls cuivres, dont le jeu majestueux semble annoncer la venue de quelque royal personnage, façon jour de couronnement à Westminster. Le public s’en régale évidemment, et apprécie tout autant ces deux mouvements de la Troisième symphonie de James Barnes, un pape contemporain de la musique pour harmonies. De cette œuvre qui confinerait presque à la musique de film (pour le coup, c’est Indiana Jones que l’on s’imagine surgir), l’OHV s’empare avec son énergie coutumière, formant une masse sonore aussi uniforme qu’enivrante, avec des variations de tempis et de nuances du meilleur effet. Bluffant, qu’on vous dit.
Ensorcelés par la ritournelle
Mais le public, déjà gâté, n’est pas au bout de ses surprises. Car dans ce spectacle de gala porté par un orchestre increvable, il y a un clou, et quel clou : l’inattendu…mais ici si attendu Concerto en sol de Maurice Ravel, que l’on s’imagine plutôt porté par un orchestre symphonique, mais dont la formation ici dépourvue de cordes (à l’exception notable de deux violoncelles et d’une contrebasse) restitue tout de la grisante essence rythmique et mélodique. La partition de piano est elle confiée à une pointure, François Dumont, déjà venu jouer Gershwin et sa Rhapsody in Blue avec un OHV dont il se fait d’emblée un idéal complice. Aux côtés d’instrumentistes au diapason de l’excellence de circonstance, et avec la complicité d’une harpe évanescente, le pianiste et ses mains bondissantes ne font qu’une bouchée d’une œuvre aux mille teintes, d’abord la tempête, puis le triomphe, et au milieu, pour le deuxième mouvement, comme une chatoyante affliction.
Alors le doigté du pianiste se fait soudain plus soyeux, moins tourmenté, et le dialogue avec les bois, dont un somptueux cor anglais, est une parenthèse de poésie dont on voudrait qu’elle ne se termine jamais. Sus aux calmants : pour fuir le stress du quotidien, c’est cet Adagio qu’il faut écouter. Ce qui vaut aussi pour cette plus brève mais non moins somptueuse Variation 18 de la Rhapsody sur un thème de Paganini de Rachmaninov, acmé d’une certaine idée du romantisme qui ne laisse que rêveur.
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Que de menus plaisirs en somme pour un public qui, enfin, peut se laisser aller à battre la mesure du bout du pied alors que résonnent, à la caisse claire, les premiers motifs rythmiques de l’ensorcelante ritournelle du Boléro de Ravel. Appelés par la gestuelle délicate de Joël Jorda, viennent ensuite la flûte, la clarinette, le basson et tous les autres, pour une montée en tension sonore débouchant sur unfinal extatique porté par un volcanique tutti. Après 15 minutes d’une athlétique exécution, avec des percussionnistes à la régularité d’un coucou suisse, le public ovationne la performance.
Alors certes, ils ne sortent pas leurs bonnets de Noël pour clôturer le concert, mais tout de même : chapeau, les artistes.