CONCERT – L’Orchestre National du Capitole de Toulouse présente à la Halle aux Grains son concert Trois étoiles, dirigé par l’étoile de la direction Nathalie Stutzmann. Deux guest-stars solistes les rejoignent : Veronika Eberle au violon et Adrien La Marca à l’alto.
L’Orchestre National du Capitole a choisi d’aller droit au but pour cette soirée avec trois tubes de trois compositeurs superstars du répertoire : la Symphonie concertante pour violon, alto et orchestre de Mozart, la Symphonie n°3 de Brahms et l’ouverture du Tannhäuser de Wagner. Petite curiosité : l’ouverture d’opéra, traditionnellement jouée en début de programme a cette fois été placée tout à la fin. C’est donc un programme rassurant, qui bien que cantonné à la musique austro-germanique permet de couvrir plus d’un siècle d’histoire de la musique. Assez conventionnel peut-être, et dont les plus férus regretteront l’absence d’innovation mais qui attire un large public qui remplit complètement la Halle aux Grains.
Trois musiciens au firmament
En plus de ce programme alléchant, le public a aussi été tenté pas les trois autres étoiles de la soirée : les interprètes. A commencer par Nathalie Stutzmann qui fait depuis quelques temps entendre avec insistance sa petite musique dans la lyricosphère. En quelques années seulement, l’ancienne contralto et étoile relativement nouvelle de la direction d’orchestre s’élève et brille toujours plus (critiques encenseuses au Met de New York, nommée directrice musicale de l’orchestre d’Atlanta, reprogrammée à Bayreuth…). Pas étonnant que les toulousains ait eu envie de prendre leur télescope pour voir par eux même. D’autant plus que deux astres de la corde frottée complètent la constellation : Adrien La Marca (entre autres lauréat des Victoires de la musique classique en 2014) et Veronika Eberle qui a traversé le Rhin pour l’occasion et dont on ne compte plus les prix. Et il manque bien sûr une quatrième étoile à citer : les excellents musiciens de l’orchestre du Capitole.
Une interprétation trois étoiles ?
Nathalie Stutzmann impose une rigueur saine à l’orchestre. Une certaine tension est même peut-être un peu plus palpable dans la concentration des musiciens qu’à l’accoutumée. La symphonie concertante est dirigée sans historicisme mais avec une fluidité, un dynamisme et une certaine rondeur peut être hérités de son passage new-yorkais. Le style dans l’interprétation de Mozart rappelle assez celui de James Levine. Les pupitres sont coordonnés et précis, ce qui permet d’entrainer le public dans les tourbillons orchestraux notamment à l’allegro maestoso de la symphonie concertante avant l’accalmie virtuose des deux solistes, bien intégrés par l’orchestre. Ils font corps avec l’esprit de la « symphonie concertante » : un jeu affirmé, mais pas envahissant. La synergie entre les deux solistes est efficace, que ce soit dans la reprise de leurs motifs respectifs ou dans le tuilage à la fin du deuxième mouvement par exemple. Le jeu de Veronika Ederle se démarque par son élégante subtilité, celui d’Adrien La Marca par son lyrisme. Ils donnent ensemble un revigorant rappel : une mélodies folkloriques de Bartók.
Matière noire
Nathalie Stutzmann dessine avec une profondeur particulière les ambiances sombres. Comme le deuxième mouvement de la symphonie concertante, dirigé sans baguette, qui a quasiment des airs de requiem et sur lequel la mélancolie des graves de l’alto de La Marca vient poétiquement se greffer. Cette obscurité intense est retrouvée dans l’accalmie du premier mouvement de Brahms, appuyée par le cor et les cordes frottées et renforcée par le tempo lent choisi. Pour la Symphonie n°3, l’orchestre montre un travail particulier des textures et des nuances. Le volume moyen est assez fort pour capter l’auditeur et faire entendre la subtilité des effets.
La structure d’ensemble est lisible et l’interprétation cohérente. Les grandes explosions que certains chefs aiment particulièrement mettre en avant sont proscrites du premier mouvement, mais ce n’est que pour renforcer l’intensité du dernier. L’orchestre déploie ainsi toute sa puissance dans l’Allegro magistral qui allie la force à la netteté et souligne les effets de contrastes. Le tempo jusque là modéré se fait plus vif. Les timbales et les cuivres, qui s’étaient réservés jusque là affirment leur verve dans les attaques. Le public applaudit avec conviction.
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Wagner : mise sur orbite
Difficile de passer après un tel triomphe, mais il reste l’ouverture ! Elle est attendue comme clou du spectacle car dirigée par une cheffe bayreuthienne (et dont la carrière a justement décollé après un Tannhäuser à Monte Carlo). Elle n’atteint cependant pas le niveau d’intensité de l’allegro de la symphonie, même si la plupart des qualités de l’interprétation de cette dernière se retrouvent. Sûrement manque-t-il un soupçon d’audace pour qu’elle devienne réellement mémorable : des cuivres plus dramatiques, des timbales un peu plus nettes, des motifs de violons plus affirmés dans leur progression initiale et leur crescendo précédent le final… Rien qui ne suffisent en tout cas à saper l’enthousiasme du public qui a encore des étoiles pleins les oreilles, et réitère pour la cheffe et les pupitres des salves d’applaudissements méritées.
Demandez le programme !
- W.A. Mozart – Symphonie concertante pour violon, alto et orchestre
- J. Brahms – Symphonie n°3
- R. Wagner – Tannhaüser – Ouverture