L’Enfant et ses potentiels au CNSM

LYRIQUE – Les étudiants du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris proposent une version pour effectif réduit de L’Enfant et les Sortilèges de Ravel, mise en scène par Sandra Pocceschi et Giacomo Strada.

Chérie, j’ai rétréci l’opéra

En termes de mensurations, cet Enfant et les sortilèges de Ravel au CNSM de Paris n’a rien d’impressionnant. L’œuvre dure 45 minutes et n’est pas ici associée à un autre opus en diptyque comme cela se pratique souvent. L’accompagnement y est assuré par quatre instrumentistes et la mise en scène n’y dispose que de moyens limités. Enfin, les interprètes sont encore étudiants, avec la dynamique que cela permet, ainsi que les petits défauts qu’ils sont là pour corriger. Pourtant, comme l’araignée semble immense face aux enfants dans Chérie, j’ai rétréci les gosses (film de Joe Johnston sorti en 1989), le public a de quoi impressionner : directeurs d’ensembles, de festivals et d’opéras, agents, journalistes, professeurs, etc. 

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Conte à l’imagimère cruel

À la mise en scène, Sandra Pocceschi et Giacomo Strada plongent le public dans leur « imagimère » (pour reprendre leur note d’intention). Leur scénographie fait feu de tout bois et du peu de moyens dont ils disposent, stimulant l’imaginaire par quelques accessoires et un unique élément de décor : un mur dont se détachent le fauteuil, l’horloge et les autres sortilèges. Lorsque ce mur se retourne, il devient décor de jardin, plus inquiétant que bucolique. 

L’envers du tableau (© Ferrante Ferranti)

Leur vision montre un chemin de rédemption pour un enfant, qui pourrait aussi bien être un adulte, pris de pulsions destructrices. La première image est en effet celle de l’Enfant, qui s’est percé les paumes des mains avec deux crayons. Il expose ses plaies béantes dans une attitude christique et détruit tout autour de lui, dans un élan de haine envers sa Maman. Et c’est celle-ci qui revient dans son rêve pour le ramener à la raison : chanteurs comme chanteuses reprennent (avec quelques différences pour chaque personnage) sa jupe orange, son haut blanc et ses talons. Lorsque l’Enfant quitte la maison pour rejoindre le jardin, l’image de la mère disparait et ce sont alors des personnages inquiétants ou mystérieux qui hantent l’Enfant, qui prend conscience, petit à petit, qu’il a lui-même créé l’enfer dans lequel il est alors plongé. Il inverse la vapeur et se met à souffler le bien, avec empathie, et crée les conditions de sa rédemption. 

Les sous-doués sur-doués (© Ferrante Ferranti)
Petit mais costaud

L’orchestre est donc remplacé par un arrangement pour quatre instrumentistes composé en 1989 par Didier Puntos, pour violoncelle (ce soir Maxime Grizard), flûte (Alexane Faye), quatre mains au piano (Ayano Kamei et Flore-Elise Capelier, également cheffes de chant). Si l’oreille est un petit peu perturbée dans les premiers instants de l’œuvre (pris très lentement), très vite, elle retrouve les couleurs et les dynamiques de l’orchestration d’origine. En émane alors une sorte de douceur suave et mélancolique qui fonctionne à merveille. 

Sur la bonne voix

Les étudiants du Conservatoire montrent globalement un potentiel important :

  • Flore Royer se montre touchante en Enfant, notamment grâce à la netteté de sa diction et son timbre luisant. 
  • Madeleine Bazola-Minori chante la Mère, la Libellule, la Tasse et le Pâtre d’une voix voluptueuse et colorée, aux beaux graves bien construits, avec une émission épanouie. 
  • Félix Merle interprète le Fauteuil ainsi qu’un Arbre majestueux à souhait, d’une voix concentrée et joliment timbrée, au vibrato calme et moelleux. 
  • Margaux Loire expose de beaux aigus en Bergère, se montre séductrice en Chatte et déploie des élans lyriques en Ecureuil. 
  • Tsanta Ratianarinaivo chante la Théière d’une voix à l’architecture solide : son Arithmétique est ainsi éloigné des voix de caractère souvent employées, ce qui lui confère un intérêt bien supérieur. 
  • Marie Ranvier est prise d’hésitation en Princesse, mais pas en (tsk, tsk…) Chauve-souris. Mais sa voix fine et ancrée lui permet de ciseler ses aigus.
  • Anne-Laure Hulin chante Le Feu, la Chouette, la Pastourelle et le Rossignol d’une voix au large volume. Cependant, ses vocalises manquent de précision en Feu (mais gagnent en finesse en Rossignol) et sa diction ne rend pas le texte compréhensible. 
  • Paul-Louis Barlet ne se montre pas très à son aise scéniquement en Horloge mais se dévoile (dans tous les sens du terme) en Chat par sa voix caverneuse. 
  • Jean Gloire Nzola Ntima a peu de notes pour montrer son talent en Reinette, mais son aisance scénique est toutefois remarquée.
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