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Chaillot : chat-yre à balles réelles

COMÉDIE MUSICALE – Une comédie musicale féline complètement foutraque où sur la moquette de l’Élysée les chats de « maman » font le point sur l’espèce humaine. Bien plus qu’une comédie musicale, c’est un ovni dystopique portée par une écriture percutante. Un spectacle hybride qui mêle comédie musicale, opérette, cabaret et modern jazz à découvrir en ce début d’année au Palais de Chaillot. 

Dans un salon doré de l’Élysée, bien à l’abri du monde extérieure, dix matous philosophes livrent une satire politique aussi drôle qu’effrayante, en dansant et en chantant. Marlène Saldana et Jonathan Drillet imaginent un futur où « Maman » (comprendre Marine Le Pen, bien qu’elle ne soit jamais nommée) a conquis l’Élysée, transformant ses félins domestiques en chroniqueurs acerbes de notre époque.

Chacrilège !

Entre deux léchouilles sur la moquette présidentielle, ces chats dissèquent avec une ironie mordante les maux de notre société : dérèglement climatique, montée des extrêmes, tensions économiques, racisme, immigration, fast fashion, addiction aux app de rencontres et règne d’Amazon. Leurs débats, aussi passionnés et houleux que dans un dîner entre amis qui dérape, révèlent une analyse assez fine du paysage politique actuel. 

© Ph. Lebruman

Sous la protection de « Maman », qu’ils n’ont pas choisi, que certains chérissent et que d’autres détestent, ils cohabitent malgré leurs divergences. Mais à quoi bon fuguer quand la moquette est confortable et les cuisiniers aux petits soins ? Et pourtant un évènement tragique a eu lieu : le pauvre Artémis a été dévoré par les deux bergers allemands de « Neuneuille » (Jean-Marie Le Pen), symbole hilarant d’un tournant dans la politique française.

Chat va barder !

Cette comédie illustre le parcours de « Maman », de Montretout à sa quête de l’Élysée qui passe par la fameuse « dédiabolisation » du parti de papa. Ses chats y sont des philosophes tour à tout résignés, collaborateurs ou rebelles. Et oui, « maman » a bien promis d’emmener tous ses chats à l’Élysée si un jour elle deviendrait présidente. Coïncidence troublante : la première représentation au Palais de Chaillot a eu lieu le jour même de la mort de Jean-Marie Le Pen et des attentats contre Charlie, comme un dernier clin d’œil du destin à cette fable politique aussi dérangeante qu’inévitable. Vous l’avez compris, cette dystopie musicale complètement barrée de Marlène Saldana et Jonathan Drillet est un pamphlet qui choisit son camp. Amazon prend très cher, mais pas autant que « Maman » et « Neuneuille », dont sont ici dressés deux portraits glaçants, avec le renfort des pires punchlines de la famille Le Pen.

© Ph. Lebruman
Chat-oyant

Sur une moquette colorée aux accents Sonia Delaunay (clin d’œil à celle des antichambres du palais présidentiel), Théo Mercier orchestre une mise en scène délibérément épurée. Point de costumes sophistiqués façon « Cats » : quelques attributs félins comme des oreilles ou des griffes suffisent aux acteurs pour incarner leurs personnages comme ils l’entendent. La partition iconoclaste de Laurent Durupt, alternant entre jazz et piano classique, culmine dans une surprenante Sonate au Clair de Lune miaulée (si si !), interprétée par Dalila Khatir.

© Ph. Lebruman

Cette création, plus proche du cabaret burlesque déjantée que de Broadway, s’amuse à détourner avec humour les grandes comédies musicales de références (Les Misérables, Chorus Line et Cats bien sur) pour privilégier la pertinence du propos à la performance artistique. La troupe hétéroclite où se côtoient acteurs, performeurs, danseurs, chanteurs et une chanteuse lyrique assume avec brio ses imperfections vocales et chorégraphiques, au profit d’un texte incisif. Qu’importe la justesse des notes ou la précision des pas : c’est le message qui prime.

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Le texte d’une redoutable acuité décortique nos dépendances contemporaines : des entrepôts d’Amazon aux algorithmes des applications de rencontres – comparés aux machines à sou alternant beaux et moches. On rit jaune par moment, parce que la question demeure : face à tout ça, reste-t-il une place pour l’optimisme ?

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