FESTIVAL – Pulsations 2025 est vraiment un festival hors-normes. Pour son retour à la Base sous-marine de Bordeaux, la biennale organisée par Pygmalion invitait le public à une expérience inédite : un concert à écouter debout, en déambulant entre des instruments qu’on ne croise pas souvent dans le monde « classique » : les cornemuses et bombardes des 20 sonneurs de Erwan Keravec, dans le très inattendu In C de Terry Riley.
Des décibels. Voilà ce que promettait ce rendez-vous à Pulsations. Sous les voûtes de béton de la Base Sous-Marine, théâtre de quelque-unes des plus étonnantes expériences de l’histoire du festival, le public s’avance dans la pénombre, au son d’un alerte incendie qui invite à rentrer plus qu’à évacuer les lieux… En s’approchant du lieu de « concert », on se détrompe : ce sont deux bombardes bretonnes qui brodent un demi-ton autour d’une même note : un Do, le thème de l’œuvre du jour. La rencontre entre la Bretagne et la Californie. Entre St Malo et San Francisco…
In C, késako ?
Vous vous souvenez de ce moment dans le Bourgeois Gentilhomme, où le Maître de Philosophie essaie d’arranger le plan drague de Monsieur Jourdain, en tournant une phrase simple dans tous les sens ? « Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour »… In C, de l’américain Terry Riley utilise un peu le même principe, chaque mot de la phrase étant un motif mélodique qui brode autour d’un Do central. Chaque personne commence par l’élément n°1 de la phrase, jusqu’au n°26 sans s’arrêter, au tempo de son choix. Pour les fans de probabilités qui n’ont pas oublié leurs cours de maths de lycée : oui, à un moment donné, statistiquement, la phrase sera entendue dans le bon ordre. On pourrait calculer, mais on vous laisse ce plaisir…
On tente une expérience ? Voici Molière feat. Terry Riley :

Les couloirs du temps
Voilà pour le pitch. Maintenant, imaginez cette partition jouée par un immense cercle de 20 musiciens qui vous entourent, et vous au milieu, libre de vos mouvements. Vous pouvez faire le tour du cercle, changer de sens, vous mettre à l’exact centre, sortir du cercle, fixer votre attention sur un instrument. Bref : vous pouvez faire votre musique ! Voilà l’expérience que propose Erwan Keravec, avec ses 20 Sonneurs. Tentant, n’est-ce pas ?

Maintenant, imaginez qu’au lieu d’un ensemble à cordes ou de saxophones, vous avez autour de vous 20 cornemuses et bombardes ! Un Bagad 2.0, pour les nostalgiques du festival interceltique qui aiment aussi les expériences d’avant-garde…
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Avantage des cornemuses : leur timbre est pur, leur son est droit comme un laser. L’expérience laisse alors une impression saisissante, celle d’avoir été enfermé dans le buffet d’un Grand Orgue qui joue tous registres dehors. C’est absolument décoiffant…
Un grand coup de chapeau aux musiciens et musiciennes qui arrivent à savoir quand enchaîner, et surtout, quand s’arrêter ! On imagine qu’il y a un truc, mais on aimerait bien savoir lequel… Tout juste a-t-on vu, à un moment, Erwan Keravec lever sa bombarde. On avait envie de dire « contre-kems », mais on était pas très sûrs de nous… En tout cas, ce qui est sûr, c’est que Pulsations 2025 n’avait pas menti quand, entre un opéra éphémère, un tour de chant romantique, une balade au parc et cette plongée furieuse dans les couloirs du son, ils nous avaient promis des surprises…

