FESTIVAL – Rendez-vous au Festival de Musique de Menton pour un moment intense en compagnie des jeunes talents Yamaha, accompagnés par Michał Szymanowski, au Palais de l’Europe.
L’enjeu de taille
Le soleil tape encore fort sur les façades jaune pastel, les terrasses débordent de vacanciers, mais dans l’ombre du Palais de l’Europe, une autre chaleur se fait ressentir : celle d’un combat de haut niveau. Six jeunes talents Yamaha, sélectionnés parmi plus de six cents candidats et figurant parmi 84 finalistes, viennent livrer leur ultime entraînement public sous le soleil brûlant, avant de s’envoler pour le grand froid de Varsovie, au prestigieux Concours Chopin. Une session de rodage, intense, où chaque note compte. Accompagnés par le pianiste et chef Michał Szymanowski, ils testent leur force, leur endurance, et surtout leur musicalité devant un public connaisseur. Les spectateurs s’installent lentement, chuchotant sur les trois autres talents de la semaine passée. Le niveau sera-t-il aussi impressionnant ? Les deux responsables de ce rendez-vous, Paul-Emmanuel Thomas et Loïc Lafontaine, en sont convaincus : le niveau d’exigence est déjà celui de la compétition. Ici, pas d’indulgence sous prétexte de jeunesse : on joue Chopin avec les armes des grands. À tour de rôle, les finalistes entrent dans le ring, seuls au centre et rejoignent leur cheval du jour, Yamaha à queue.
Chacun pour soi
Le premier à se lancer : Kwanwook Lee est le plus jeune du trio. Il ouvre le bal avec la redoutable Sonate n°2 op.35, celle de la Marche funèbre. Très vite, son jeu solide et nerveux s’impose. Les graves, puissants et précis, donnent à son interprétation une densité rare. Certes, les passages plus lyriques manquent parfois de souffle et de liberté, mais l’intensité du dernier mouvement frappe fort. Dans la troisième série, la musicalité reprend le dessus, signe que le jeune pianiste a su se relever sans failles.
Deuxième sur la ligne : Andrzej Wierciński, venu défendre sa place avec la Ballade n°4 op.52 suivie du Scherzo op.54. Son approche d’abord légère, presque coquette et badine, cache en réalité une grande imprégnation de l’œuvre. Les attaques sont souples, les phrasés clairs et élégants ainsi que des silences significatifs. Il déploie des envolées vers l’aigu d’une finesse minutieuse.

Dernière à entrer dans l’arène : Eva Strejcová, seule à s’attaquer à l’épreuve du Concerto, en choisissant le n°2 de Chopin. Un défi de taille sans orchestre, mais avec l’aide précieuse de Michał Szymanowski sur une autre arme, un Bösendorfer, qui assure brillamment la réduction d’orchestre, au piano. Loin de se laisser décourager, la jeune pianiste tchèque s’affirme d’entrée de jeu. La complicité avec son partenaire n’annule en rien son autorité musicale. Son toucher, souple et assuré, alterne entre délicatesse soyeuse et puissance maîtrisée… La lecture révèle une vraie maturité.
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Trois jeunes pianistes, trois approches, trois tempéraments… et un seul objectif : Varsovie, l’automne prochain. Ce soir à Menton, la relève s’est échauffée sous les projecteurs, même si le combat reste amical… Rendez-vous en octobre !

