COMPTE-RENDU – L’Ensemble Jupiter sillonne la France et au-delà pour présenter sa production de l’oratorio de Georg Friedrich Händel, Theodora, qui fait escale à l’Auditorium de l’Opéra national de Bordeaux.
Il fallait y croire pour un allemand du XVIIIe siècle siècle, qui composait à l’italienne, en Angleterre et en Irlande ! et de composer un opéra (genre considéré comme païen entre tous, né dans les affres du Carnaval) mais religieux, et tant qu’à faire en anglais. Et le tout (cet oratorio d’Händel donc) proposé en version de concert par un ensemble nommé « Jupiter » qui avait marqué jusque là par un esprit musique de chambre…
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Ceux qui y croient et ceux qui n’y croient pas
Il faut croire (ou au moins considérer comme crédible) le parcours exhalté de Theodora (littéralement « don de Dieu », là encore il faut le voir pour y croire), princesse chrétienne qui dans l’Antioche romaine ne veut pas sacrifier aux rites religieux en cours, restant fidèle à sa foi, jusqu’au sacrifice, le tout en près de 3 heures. Il faut croire en la constance de ces idées pour écarter toute crainte de « fanatisme » dans cet enchaînement de maximes sur la foi, l’obéissance, le devoir.
Croire aux miracles et au Père Händel
Et assurément, Jupiter y croit (tant mieux, s’ils n’y avaient pas cru, c’était cuit !), offrant à cette partition proprement conçue mais qui pourrait être plus variée un orchestre fourni et très dynamique sous la direction physique de Thomas Dunford qui s’évertue aussi à diriger en sonnant du théorbe, de dos (luxe ébouriffant car l’instrument n’aurait déjà pas été des plus audibles dans ce contexte, de face).
Jupiter donne aussi du chœur à l’ouvrage, un chœur hyper-sonore, rutilant de couleurs notamment chez les ténors. Baroque oblige, un contre-ténor reprend le rôle créé jadis par un castrat célèbre (Gaetano Guadagni), avec Hugh Cutting en Dydimus d’une énergie et voix très présente mais manquant un peu de couleurs. La basse virile et autoritaire du « méchant » Valens est confiée à Alex Rosen. Le choriste Patrick Kilbride est ovationné pour avoir sauvé la soirée en remplaçant au pied levé et avec la partition le ténor prévu pour Septimius. Lea Desandre, pieds nus, dans une robe « à l’antique », prend des postures inspirées pour proposer de sa jolie voix de mezzo-soprano léger une Theodora, humaine, fragile et forte à la fois. Enfin, preuve qu’il fallait garder la foi, la somptueuse mezzo-soprano Avery Amereau, grande et majestueuse, elle aussi enrobée à la romaine, creuse une voix qui descend aux catacombes pour s’élever dans les nuées, avec une belle largeur, des couleurs et des nuances, rendant presque intéressants les airs d’Irene ! Ce qui lui a valu un triomphe de la part du public dans une salle hélas à moitié vide. Il faut dire que l’œuvre avait connu à sa création un flop retentissant ! Croire prend du temps, heureusement une longue tournée continue.

