INTERVIEW – Christophe Rousset est un spécialiste du compositeur Jean-Philippe Rameau, né en 1683 et mort il y a 250 ans. Le claveciniste a écrit un livre sur le sujet (Actes Sud) et dirige, à la tête de son ensemble Les Talens Lyriques, plusieurs de ses oeuvres pour l’année Rameau. Pour mieux connaître le compositeur, nous lui avons demandé de répondre à un portrait chinois à la mode Rameau.
Une soirée avec Rameau… où se passe-t-elle ? Quel Menu plaisir y prend-on ? Quel Air gracieux y entend-on ?
A Paris forcément ! La ville est son domaine, l’absolue représentation du raffinement de Rameau et de sa sophistication. On y joue du clavecin, son instrument, et une pièce montrant sa virtuosité éblouissante. Il aura choisi une pièce avec lequel il pourra épater son public. Rameau aimait surprendre et déranger. Si je devait choisir : Les sauvages bien sûr !
Rameau dans l’intime : Berger fidèle ou Amant trahi ?
C.R. : Rameau était un être très austère, très travailleur, pas très sympathique. Il était très exigeant et peu sensible à la famille. Donc disons « Berger fidèle »… car cela ne l’intéresse pas! Il aime avant tout écrire ses traités de théorie musicale. Il regrettera d’ailleurs de ne pas en avoir publié un plus grand nombre.
Rameau, un homme de Talens lyriques, symphoniques ou harmoniques ?
C.R. : Harmonique ! Il a mis en place l’essentiel de l’école moderne de la composition avec son traité d’harmonie. Aujourd’hui, les musiciens connaissent plus couramment ses théories musicales que sa musique, à l’exception de la musique pour clavier peut-être.
Rousseau vs Rousset ?
C.R. : (rires) La querelle entre Rameau et Rousseau est tout à fait ridicule. Rousseau est un très mauvais compositeur. Je ne sais pas si vous avez déjà écouté ses oeuvres, c’est très pauvre ! Rameau est un génie à comparer à Haendel ou Bach. La Querelle de Bouffons (qui opposait en 1752 les tenants du classicisme de la musique française contre l’opéra-bouffe à l’italienne, ndlr) est une tempête dans un verre d’eau, une bataille typiquement parisienne… comme on en connait encore aujourd’hui ! Si elle a agité davantage le public que Rameau lui-même, elle a nuit a son image. Rameau devient le symbole d’une musique du passé… alors qu’il n’y avait rien à défendre : musique italienne ou musique française, c’est une question de goût.
Si vous avez le numéro de portable de Rameau, quelles questions lui poseriez-vous ?
C.R : (rires) Déjà je ne sais pas si j’aurai envie… Les gens de génie, comme Proust, on ne veut pas forcément les rencontrer ! Sinon : « Pourquoi n’avez-vous pas plus écrit pour le clavecin ? », mais c’est une question un peu égoïste de ma part. Ou alors « Pourquoi vous êtes-vous si peu intéressé à la musique des autres, comme Couperin et Royer ? » Lully a droit au regard de Rameau mais c’est bien le seul, alors que Rameau était socialement actif, très en vu et qu’il a du rencontrer d’autres compositeurs… Un preuve de son égocentrique ?
Propos recueillis par S.G.
Ps : Le titre de cet article et ses questions reprennent des oeuvres de Rameau. Si vous ne les avez pas toutes reconnues, la page Wiki est là.
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