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Une heure de contemporaine à la Folle Journée : Félicien Brut joue le NEUF gagnant

COMPTE-RENDU – « NEUF », l’hommage à Beethoven par l’accordéoniste Félicien Brut et son Pari des Bretelles a amené à la Folle Journée un grand courant d’air frais : de la création ! Gros succès.

Mine de rien, ils l’ont fait. Le Pari des Bretelles a donné en une petite heure neuf pièces nouvelles, signées de compositeurs d’horizons divers, pour un public de non-initiés, dans une Folle Journée qui s’annonçait sans surprise. 2020 marquant l’anniversaire de Ludwig van Beethoven, tous les concerts de la grande foire à la musique classique de Nantes étaient estampillés Beethoven… qu’on entend déjà tous les ans. Il fallait donc chercher le petit coin d’innovation.

« Pour un accordéoniste, Beethoven c’est l’enfer, s’amuse l’Auvergnat Félicien Brut ! Beethoven est exactement ce qu’on met aux antipodes de la musique populaire, musette et festive… Pourtant, on peut saluer son amour pour l’innovation et la création. » Le Pari des Bretelles – l’association de l’accordéoniste Félicien Brut, du Quatuor à cordes Hermès, du contrebassiste Edouard Macarez – a demandé à neuf compositeurs de musiques (classique, jazz, musette, de film, etc.) d’écrire sur des thèmes de Beethoven.

La folle journée 2020 à Nantes est consacrée à Beethoven. Ici Félicien Brut à l’accordéon Edouard Macarez contrebasse et Quator Hermès.

Au Lu, le Lieu Unique de Nantes, la plus belle salle de concert de La Folle Journée, Le Pari des Bretelles a donc, mine de rien, fait entendre du … neuf. Premier coup de cœur pour la pièce de Fabien Waksman, Carcere Oscura d’après la Symphonie nº 5. Prof au Conservatoire supérieur de Paris, Waksman, né en 1980, a d’abord été hésitant sur le fait de composer pour l’accordéon. L’écoute du premier disque du Paris de Bretelles, l’a convaincu. Il a pris le parti d’une pièce illustrant le drame de la surdité : la musique commence large mais réussit à créer un effet « étau qui se resserre » avec une montée d’angoisse molto vivace digne du compositeur Bernard Herrmann dans « Psychose » de Hitchcock. On oublie Beethoven et c’est tant mieux.

Patrice d’Ollone ose avec Réconciliation d’après la Symphonie nº 6 une rencontre entre Beethoven et Debussy… qui était passé maître dans l’art du Beethoven Bashing. Claude détestait cette symphonie dite « Pastorale » ! Là aussi, chapeau bas Messieurs : la partition romantique et imagée superpose la fraîcheur de Beethoven, amoureux des balades des faubourgs viennois, aux embruns normands du créateur de La Mer. Dans le monde des bisounours, Claude et Ludwig se baladent bras dessus bras dessous !

Thibault Perrine, partenaire du Pari de la première heure, approche le monument Beethoven avec méfiance. Sa pièce In Memoriam est un long crescendo vibratoire qui explose, dans un effet de superposition remarquable, sur une version dissonante du thème du 2e mouvement de la 7e symphonie. Corentin Aparailly, compositeur de 24 ans, mise sur la dépression, la rage puis la lueur d’espoir éprouvée par un Beethoven à la surdité naissante. Son style est un peu vert mais il a l’idée pertinente de prendre les premières notes de la sonate pathétique et les transformer en une dissonance insistante comme un… acouphène. Domi Emorine ne fait pas semblant : elle vient du musette et imagine avec Tempête au Balajo un Beethoven entrant dans un café à Bastille et tombant sur le mythique accordéoniste Jo Privat ! Sa valse est souriante mais complexe. Le public, déjà enthousiaste, explose.

Bien sûr, certains compositeurs sont restés très (trop?) proches de l’ombre de Ludwig, comme le pianiste Jean-François Zygel qui s’amuse avec le « Pom Pom Pom Pomme » ou La lettre à Elise sans révéler son propre écho. Stéphane Delplace avec L’Odieuse Fugue d’après la Symphonie nº 9 ou Cyrille Lehn avec son amusante Tarentelle à Kreutzer d’après la Sonate « À Kreutzer » réussissent le pari de l’hommage avec élégance. Le pianiste de jazz Thomas Enhco semble avoir buté sur le fait d’écrire pour un accordéon, qui n’est pas un piano. Mais : « Ouf » on a largement évité le piège du « faux Beethoven » comme dit Félicien Brut ! Et surtout, on a fait écouter avec délice une heure de musique contemporaine à des milliers de personnes… mine de rien.

Lire également : Félicien Brut : « l’accordéon est l’image de la France ouverte »

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