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Beethoven par Jordi Savall : un retour aux sources

CD – L’année Beethoven s’achève déjà, dans le silence d’un deuxième confinement. Pour des « chefs-musicologues » comme Jordi Savall, elle aurait dû être l’occasion d’exercer leur art de la reconstitution savante pour nous présenter des versions “haute fidélité” de la musique du génie autrichien. Heureusement, un morceau de l’intégrale promise a survécu. Nous l’avons écouté.

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La première moitié de l’intégrale des symphonies de Beethoven par Jordi Savall et le Concert des Nations.

L’intérêt d’une interprétation de Beethoven par Jordi Savall – on le savait d’avance – aurait résidé dans la recherche historique, domaine dans lequel il excelle depuis des années. Ses disque-livres sont des modèles du genre, et nous avions hâte de découvrir la somme qu’il prévoyait de pondre sur Beethoven : instruments et diapason d’époque, travail sur manuscrit, tempi et dynamiques respectés à la lettre, nombre exact de musiciens dans l’orchestre.., Tout y serait passé, pour nous offrir une image d’Epinal des neuf symphonies. Notre curiosité était piquée, et le tout devait être publié au printemps.

Mais voilà, le Covid est passé par là pour gâcher la fête et a amputé l’intégrale promise de ses quatre derniers membres, réduisant le coffret aux symphonies 1 à 5 parues chez Aliavox à l’été. Public avide, foule en délire, soyez rassurés : les « pom pom pom pom » de la cinquième sont sauvés ! Et, comme prévu, le résultat est là.

Le moins que l’on puisse dire, et ce avant même d’ouvrir le livret pour chercher à comprendre pourquoi, est qu’on est saisi par la rupture sonore proposée. Les attaques sont particulièrement tranchantes, les percussions frisent l’agression auditive et on a parfois du mal à reconnaître certains passages, tant les tempi sont différents de ce que l’on connaît. La qualité musicale ne se discute pas, mais l’interprétation est vraiment déroutante !

Où sont passés nos orchestres poids lourds rutilants, notre bon vieux philharmonique de Vienne ? Où est la patte hollywoodienne des illustres Karajan, Böhm ou Celibidace ? Qu’est-il arrivé aux versions de notre enfance, au crépitement du tourne-disque et au jaune poussin du logo de la Deutsche Grammophon ? Aux oubliettes. Comme l’écrit Savall dans son texte d’introduction, « on semble adorer quelque chose que l’on ne comprend qu’à travers des déformations, et l’on déforme toujours quelque chose qu’on adore ». Voilà qui résume bien notre première impression. Du Jordi Savall dans le texte !

Beethoven Révolution - Jordi Savall - YouTube
Jordi Savall égal à lui-même propose une interprétation détonante des symphonies de Beethoven.

C’est pour qui ?

En cela, les amateurs de la démarche trouveront leur compte dans cet enregistrement. Soucieux de coller au plus près à la volonté des compositeurs, le chef catalan ne fait jamais de concession à sa rigueur intellectuelle. Son intérêt n’est pas de plaire, mais bien de défendre l’authenticité en musique. Un parti pris qui ne pose pas de problème quand il concerne des compositeurs jésuites du XVème siècle qu’il est le seul à connaître, mais qui fait forcément grand bruit quand il s’attaque à des monuments de l’histoire de la musique comme les symphonies de Beethoven.

Cette version se veut “révolutionnaire”, elle l’est sans aucun doute. Une fois passé le choc, il faut bien reconnaître que la fougue du génie autrichien souffle dans la baguette de Jordi Savall, qu’on imagine déchaîné à son pupitre, poussant les musiciens du Concert des Nations dans leurs retranchements, en rupture complète avec cette image de sage placide et sombre qui lui colle à la peau. On aurait pu craindre une reconstitution historique un peu austère, il n’en est rien. Que les inconditionnels se rassurent : Beethoven est toujours là. Et si, comme nous, vous êtes prêts à en changer un peu la recette, vos madeleines de Proust ne perdront rien de leur saveur….

Pourquoi on aime ?

  • Pour la fougue d’une interprétation qui sort des sentiers battus.
  • Pour le travail collectif mis en avant : cette enregistrement est le fruit de deux semaines de stage intensif qui nous offrent une musique « home-made », loin de la cadence infernale des grands orchestres.
  • Pour la volonté (qui frise parfois l’entêtement !) d’être en tout point fidèle au contexte musical de la création des symphonies. Du Jordi Savall dans le texte…

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