OPERA – Jusqu’au 1er juin, l’Opéra national de Paris reprend une production d’Elektra de Richard Strauss déjà présentée en 2013. La mise en scène intense, épurée et visuelle de Robert Carsen impressionne de nouveau, servie par une belle distribution.
Elektra est l’opéra de la haine, de la vengeance et de la mort. Ce court opéra en un acte de Richard Strauss, inspiré par la pièce éponyme du dramaturge Hugo von Hoffmanstahl, nous plonge en moins de deux heures intenses, éclatantes et violentes dans l’une des pages les plus sombres de la mythologie grecque.
Au royaume de Mycène, Electre, fille d’Agamemnon et de Clytemnestre, désire se venger de l’assassinat de son père par sa mère et son amant, Egisthe. Obsédée par cette pensée meurtrière, Electre cherche à enrôler sa sœur, la douce Chrysothémis, qui refuse. Seul le retour de leur frère, Oreste, présumé mort, pourrait l’aider à accomplir sa vengeance contre les meurtriers de son père.
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Noirceur et épure
Pour mettre en scène cette tragédie sombre et sauvage, Robert Carsen a imaginé une scénographie qui allie noirceur et épure. Emprisonnés dans un décor spartiate, qui tient à la fois de la cellule de prison et d’un cimetière, les personnages d’Elektra se déchirent dans un huis clos étouffant.
Le décor unique, imaginé par Michael Levine, avec ses immense parois métalliques sombres et son sol de terre noir, comme éventré par le tombeau d’Agamemnon, est saisissant et permet à Carsen de déployer une mise en scène esthétique, efficace et intemporelle. C’est un retour à l’essence de la tragédie, qu’il refuse d’ancrer dans une époque ou un contexte particulier, insistant ainsi sur l’universalité du mythe d’Electre.
Emprisonnés dans un décor spartiate, les personnages d’Elektra se déchirent dans un huis clos étouffant.
Baguette raffinée et précise
Pour cette reprise, l’orchestre de l’Opéra National de Paris déploie des couleurs orchestrales soyeuses et sombres sous la baguette raffinée et précise de Semyon Bychkov. Le chef russe est très attentif à l’équilibre sonore, sachant faire miroiter chaque détail de la partition flamboyante de Strauss avec une grande clarté.
Mais l’on peut regretter un manque de tranchant et d’impact sonore dans une œuvre qui requiert un son orchestral puissant et percutant. Est-ce pour préserver les voix des chanteuses et chanteurs dans une œuvre incroyablement exigeante vocalement ? C’est assez possible.
Vêtue de noir, les cheveux sales et emmêlés, Christine Goerke incarne avec conviction une Electre dure, sauvage et déterminée. Vocalement, elle fait preuve d’une grande solidité sur toute la tessiture, même si, à l’image de l’orchestre, sa prestation souffre d’un manque d’éclat et d’impact.
Remplaçant à la dernière minute Elza van den Heever, souffrante, Camilla Nylund fait merveille dans le rôle de la pure et innocente Chrysothemis avec sa voix claire et souple, qui contraste avec celle plus sombre de Goerke. Telle une star hollywoodienne, avec son déshabillé blanc et sa chevelure blonde ondulée, Angela Denoke campe une Clytemnestre toute en séduction et en ironie, qui peine cependant à s’imposer vocalement.
Dans le rôle d’Oreste, Tómas Tómasson donne une performance en demi-teinte, notamment du fait de problèmes d’intonation. Quant à Gerhard Siegel, avec son timbre clair et sonore, il dresse un portrait libidineux et veule d’Égisthe.
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Si la première représentation de cette reprise de la production d’Elektra n’a pas comblé toutes les attentes, elle est pleine de promesses, grâce à la sublime mise en scène de Robert Carsen, à une distribution de qualité et la direction musicale raffinée de Semyon Bychkov.