BOULE DE CRISTAL – Dans notre format consacré aux futurs talents de la scène musicale, la rédaction a le plaisir de vous présenter Alina Wunderlin. La soprano colorature allemande a été révélée au public français cet été, à l’occasion du festival de Saintes, le 23 juillet dernier.
Notre histoire commence par une chaude – très chaude – soirée d’été, dans une cour de l’abbaye aux Dames, transformée en salle de concert à ciel ouvert. L’Orchestre des Champs-Élysées est installé sur son immense scène, prêt à s’enflammer sous le feu des projecteurs. De petites bouteilles d’eau pour se rafraîchir, et la promesse d’une soirée magique pour accompagner le coucher du soleil. Le concert de clôture du festival de Saintes peut commencer.
La voie royale des Champs-Élysées…
Philippe Herreweghe, chef d’orchestre et ancien directeur artistique du festival entre sur scène. À deux pas derrière lui, la démarche modeste et le sourire lumineux d’une jeune femme fait naître un léger frémissement chez les huit-cent spectateurs. Tous ont le programme en main, et tous ont lu les quelques lettres d’un nom qu’ils ne pourront bientôt plus oublier : Alina Wunderlin.
“Nous sommes très heureux d’avoir permis au public français de découvrir cette jeune voix”
JEAN-LOUIS GAVATORTA, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ORCHESTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES
Dans les airs d’opérette viennoise et les magnifiques poèmes mis en musique par la dynastie Strauss, la voix de cette colorature, inconnue au bataillon, fait des merveilles. Aucun des aigus ne fait craindre, aucune des respirations ne trahit d’angoisse. Tout au long de la soirée, Alina Wunderlin fait planer une douce atmosphère dans le ciel saintongeais : à la fois intense et très reposante. À la fin du concert, le public debout salue la naissance d’une voix à la grande facilité, qui n’est pas sans rappeler une certaine Natalie Dessay.
…par un chemin escarpé
“C’est sans doute le plus beau compliment qu’on puisse me faire, car Natalie Dessay est évidemment un modèle pour moi. Les commentaires qui disent de moi que ma voix est facile me touchent particulièrement, parce que c’était loin d’être le cas quand j’ai commencé. À mes débuts au conservatoire de Manheim, j’avais du mal à atteindre les plus modestes notes aiguës !”
On a du mal à le croire mais, contrairement à ce que le public saintais a pu penser, le parcours vocal d’Alina Wunderlin était tout sauf une promenade de santé. Une conquête des hautes sphères de la voix humaine qu’elle a faite à la sueur de son front. “J’ai énormément travaillé pendant mes études, et je suis ravie d’entendre que ça a l’air facile aujourd’hui. Car ça ne l’a pas toujours été. Les gens doivent savoir qu’il est possible d’y arriver sans être un prodige.”
À lire également : Je vois, je vois... Gabriel Stern
Voilà qui apporte de l’eau au moulin de l’éternel débat du don tombé du ciel contre l’apologie du travail qui paie. En bonne allemande, Alina Wunderlin propose une réponse en forme de Kompromat : “L’audace a été la clé de mon parcours. À certains moments décisifs, j’ai osé proposer des choses inattendues. J’ai opéré une sorte de douce rébellion envers mes professeurs, qui l’ont reçue avec bienveillance.”
Génération Y
Alina Wunderlin appartient à cette génération de jeunes chanteuses qui n’aiment pas qu’on lui dise quoi faire : “Je crois que pour être une artiste épanouie, il faut avant tout rester soi-même. Avant je m’achetais des robes très serrées, pensant que c’était cela qui était attendu. Maintenant, je mets mon confort avant tout, et je pense que cela se voit quand je suis sur scène.” Effectivement, dans sa tenue simple, elle paraît être en parfaite décontraction, et ça fait du bien !
Exit donc les corsets et les bustiers qui ajoutent au décorum parfois un peu superflu du récital bon chic bon genre : Alina Wunderlin se contente d’être bien dans ses baskets. Point. “On peut se demander si vous m’auriez posé la même question si j’avais été un homme…”. Et toc ! Voilà le journaliste pris au piège de ses propres clichés. Toutes nos excuses Alina, vous avez raison…
Ne reste plus qu’à laisser, sans le troubler, ce talent éclore et s’épanouir. « Le parcours passe par l’Allemagne bien sûr, où je chante beaucoup la Reine de la Nuit. Je rêve de chanter Lakmé, qui est très peu donné chez moi. Il faudra peut-être que je revienne en France pour ça ! ». Si nous avons une telle chance, vous pouvez compter sur nous pour y être au premier rang, comme nous l’étions ce beau soir de juillet où vous nous êtes apparue… Bon vent, chère Alina !