CONCERT – Samedi 18 février, l’Orchestre Pasdeloup a interprété, sous la direction de Monika Wolinska, une virtuose et éblouissante palette de compositions de la fin du XIXe et du début du XXe siècle : Ravel, Sarasate, Dukas et Saint-Saëns étaient à l’honneur, et ont valu aux musiciens un tonnerre d’ovations et d’applaudissements. Chapeau bas à Monika Wolinska !
Un programme enchanteur
L’orchestre Pasdeloup a fait salle comble à la Philharmonie, ce samedi après-midi : pas un siège de libre, pas un balcon qui ne soit rempli à craquer. Il faut bien dire que le programme était aussi envoûtant que prometteur : le Boléro de Maurice Ravel (1928), la Fantaisie de concert sur Carmen de Pablo de Sarasate (1883), le célèbre poème symphonique de Dukas L’Apprenti sorcier (1897), et l’admirable Symphonie avec orgue de Camille Saint-Saëns (1885-1886) – l’occasion de déployer les grandes orgues de la salle Pierre Boulez.

C’est pour ainsi dire le tissu musical d’une époque, sa texture, son armature, son étoffe, que ce beau programme, dans toute sa cohérence, nous a donné à entendre : l’amitié entre Saint-Saëns et Sarasate, les harmonies et les rythmes espagnols de Carmen (la fameuse habanera) et du Boléro, la subtilité des orchestrations, les nuances puissantes et enchanteresses de l’orgue et des cuivres, tissent un réseau inépuisable et fécond d’inspirations croisées, encore apte à susciter aujourd’hui les vivats et les ovations.
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Deux solistes talentueux
Au « long et progressif crescendo » du Boléro, pour reprendre les mots de Ravel lui-même, ont répondu les spectaculaires harmonies et les cadences virtuoses de Sarasate, dans une fascinante transcription pour marimba et orchestre. Au marimba, la brillante Adélaïde Ferrier, qui a été en 2017 la première percussionniste à remporter un prix aux Victoires de la Musique Classique, a donné la preuve de son très grand talent. Volant par à-coups d’une extrémité à l’autre du clavier, faisant tournoyer ses quatre baguettes, elle a montré, dans l’exécution des trois mouvements de la Fantaisie de concert (avec les airs de la Habanera et de la Séguédille), que le marimba pouvait bien autant, sinon plus, qu’un violon ou qu’une voix !
Après la vivacité incantatoire, presque magique, des deux thèmes mêlés de l’Apprenti sorcier, l’organiste Mathias Lecomte et l’orchestre ont livré une vibrante interprétation de la Symphonie avec orgue de Saint-Saëns. Le thème tumultueux du premier acte (Allegro), interprété par les cordes, se mue bientôt dans l’Andante en l’expression d’une sérénité tranquille et imperturbable, sorte de moment suspendu, que prolongent les sons continus et rassurants de l’orgue. Mais bientôt, les deux derniers mouvements s’enchaînent et s’accélèrent, et l’orgue reprend une dernière fois le thème principal, dans une véritable apothéose symphonique.
Chapeau bas à Monika Wolinska !
Mais que dire de Monika Wolinska, à la direction de l’orchestre ? La cheffe a su rendre, avec subtilité, précision, clarté et rigueur, le caractère de chacune de ces œuvres, leurs nuances et leurs difficultés. Le public lui a décerné une longue et touchante ovation à la fin du concert.
Ce fut donc, des charmes du Boléro aux sortilèges de l’Apprenti sorcier, un après-midi enchanteur, que rien n’est venu ternir, sinon peut-être les (trop) nombreuses sonneries de téléphones, qui ont maladroitement (trop) souvent retenti pendant le concert, et surtout dans les moments où la musique se pare de silences. À ces spectateurs étourdis et négligents, on pourra faire remarquer, comme Sacha Guitry à propos de Mozart, que le silence dans les symphonies de Saint-Saëns, c’est encore du Saint-Saëns !