Est-il permis d’oser compléter un opéra de Mozart, laissé inachevé par son compositeur ? Et si oui, comment s’y prendre ? Le compositeur Robin Melchior y répond, en « 3 questions à ».
En 1780, Wolfgang Amadeus Mozart a 24 ans lorsqu’il compose Zaïde, un Singspiel (opéra léger alternant textes parlés et chantés ; un peu l’ancêtre de la comédie musicale) préfigurant L’Enlèvement au Sérail. Destiné à l’empereur Joseph II, qui voulait créer une troupe d’opéra allemand à Vienne (à l’époque, l’Italien régnait en maître sur l’opéra viennois), Zaïde n’avait cependant pas fait l’objet d’une commande ferme. Lorsque Mozart apprend que Joseph II ne la lui achèterait pas, et que les Viennois préféraient les œuvres plus gaies, il en interrompt l’écriture, laissant l’œuvre inachevée.
Pour autant, la musique, du divin Mozart, est excellente ! La tentation est grande, alors, d’en proposer une version complète. C’est ce qu’a fait le compositeur Robin Melchior, qui nous en dit plus sur sa démarche.
Comment vous êtes-vous retrouvé à recevoir cette commande ?
RM : « La proposition est venue de Mathieu Rietzler, directeur de l’Opéra de Rennes. Je travaille régulièrement avec la metteuse en scène Louise Vignault, et il avait déjà fait appel à nous, en 2020/2021, pour adapter pour petit ensemble l’opéra La dame blanche, de François-Adrien Boiëldieu. L’idée était de repartir avec la même équipe, pour un projet encore plus ambitieux.
Que restait-il à écrire, que Mozart avait laissé de côté ?
Tout simplement le début et la fin : l’ouverture et le final ! Et aussi une transition musicale entre l’acte I et l’acte II.
En réalité, Louise Vignault et moi avons complètement revu l’ouvrage. Comme le livret parlé de l’opéra original a été perdu, on a pu créer une nouvelle histoire, en gardant seulement les airs. On n’est plus chez le sultan Soliman mais sur une île déserte et rêvée, sur laquelle vivent 3 enfants et où le marin Gomatz vient s’échouer, un soir de tempête.
Pour l’ouverture, j’ai pu créer une tempête musicale avec le matériau musical de Mozart, en évoquant, dans un tumulte d’air et d’eau, de manière vrombissante, des motifs qu’on entendra ensuite dans l’opéra.
Vous avez même rajouté un personnage à l’intrigue ?
Oui, Insel, l’esprit de l’île, qui agit comme un ange gardien pour les enfants Zaïde, Allazim et Soliman. Elle ne chante pas mais quand elle intervient, c’est une nouvelle musique qui se fait entendre. Comme on avait notre nouvelle histoire, il était plausible d’imaginer que le final soit le départ des enfants avec Gomatz, vers un ailleurs inconnu. J’ai alors imaginé un mélologue, dans lequel texte parlé et musique alternent, et qui fait référence aux airs de Mozart. Dans tous les cas, j’ai voulu proposer quelque chose de neuf, avec beaucoup de liberté et de prise de risque, et un but principal : que le sujet reste léger et grand public. »
Après s’être donné pour 4 représentations à l’Opéra de Rennes au début du mois, Zaïde version Melchior sera au Théâtre Graslin à Nantes du 26 février au 5 mars puis à l’Opéra de Grand Avignon et au Théâtre de Cornouailles.