CONCERT – Christian Zacharias, à la fois pianiste et chef d’orchestre de la soirée, mène l’Orchestre National du Capitole de Toulouse dans sa résidence de la Halle aux Grains en s’appuyant sur un programme couvrant trois siècles différents de musique.
De Beethoven à Schoenberg
Christian Zacharias a choisi avec l’Orchestre National du Capitole de faire la part belle à trois œuvres relativement négligées de leurs pourtant très fameux compositeurs. Placées sous le signe du « 2 », il s’agit de la seconde symphonie de chambre de Schoenberg, suivie du deuxième concerto pour piano de Beethoven et de la deuxième symphonie de Schubert pour terminer. Trois œuvres créées en Autriche, trois œuvres de durées quasi équivalentes, trois œuvres composées (ou tout du moins entreprise concernant Schoenberg) dans la jeunesse de leur compositeur et trois œuvres de transitions marquées par les tensions profondes qui survenaient dans l’histoire de la musique lors de leur écriture. Un classicisme finissant cède la place aux premières envolées romantiques dans le concerto de Beethoven.
A l’inverse ces dernières peinent à s’imposer dans la Symphonie de jeunesse de Schubert encore très marquée par les conventions orchestrales du siècle précédent. Et Schoenberg qui avait déjà amorcé par ailleurs la révolution copernicienne de l’atonalité vers la musique contemporaine, revient ici à ses premières inspirations romantiques pour terminer la composition de sa seconde symphonie de chambre. Cela en fait sûrement un de ses travaux les plus accessibles. Cette évolution musicale transparait tout au long du programme grâce à la lecture précise qu’en font Zacharias et l’Orchestre du Capitole de Toulouse.
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De l’estrade au piano
Ce qui transparaît le plus dans l’ensemble de ce concert est la véritable osmose prenant entre l’orchestre, d’ailleurs réputé particulièrement pour sa plasticité, et son chef du jour Christian Zacharias. Le coup d’archet est visuellement impeccable, en parfaite coordination avec les mouvements du chef et cela se ressent dans l’audition des différentes œuvres. L’interprétation est maîtrisée. Peut-être même trop maîtrisée dans la symphonie de Schubert où sa parfaite régularité laisse transparaitre les redondances voire les longueurs de la partition au détriment de quelques élans (de cordes en particulier) que d’autres chefs préfèrent marquer. Les nuances volumiques sont bien audibles avec une véritable tension qui peut apparaitre naturellement dans les piani et renforce les effets dramatiques dans les crescendos ou les contrastes. On entend par contre, à ces moments-là, les souffles parfois bruyants du chef. Les bois du Capitole et en particulier la première flûte dévoilent leur somptueux prisme chromatique.
La maîtrise de l’orchestre par Christian Zacharias permet des dialogues polis mais efficaces dans les nombreux moments de questions réponses inscrits sur ces partitions. Cela est particulièrement remarquable dans la symphonie de chambre de Schoenberg où les pupitres sont souvent séparés ainsi que dans les interactions entre l’orchestre et le piano du concerto. Le concerto, dont Zacharias assure également la partie soliste (tel que Beethoven l’avait fait pour sa création), est probablement le plus grand succès de la soirée (ce sera en tout cas le plus applaudi). La symbiose avec l’orchestre y est pour beaucoup. Concentré tout au long de l’œuvre, Zacharias y assure la continuation entre les mesures de pianos et les orchestrales. Son jeu est émouvant avec un touché fluide et délicat même dans les moments d’intensité. Tout cela cumulé à l’attention particulière portée à la régularité des tempi ancrera l’ostinato du mouvement final dans la tête du public durant tout l’entracte.
Christian Zacharias propose ainsi aux toulousains un véritable voyage dans le temps en musique Austro-germanique. Passant sans difficulté d’une époque à une autre, de l’estrade au piano et du piano à l’estrade, il montre sa connaissance des œuvres qu’il présente. Le travail de répétition avec l’orchestre conduit à une interprétation finement maîtrisée et nuancée des trois chefs d’œuvres de jeunesse au programme, prouvant ainsi s’il le fallait encore, l’étendu et la diversité de son talent.