ANNIVERSAIRE – Pour marquer le centième anniversaire du compositeur György Ligeti, la Philharmonie de Paris lui consacre un week-end. Le concert avec l’Ensemble intercontemporain dans la salle des concerts de la Cité de la musique impulse la cadence avec un programme consacré au rythme et à la pulsation, notamment grâce aux influences de musiques originaires d’Afrique.
György Ligeti, né en 1923 en Hongrie, fut fasciné par les musiques populaires de son pays. Pourtant, dans les années 80, il découvre – sans y aller – les musiques d’Afrique. Leur complexité polyphonique et rythmique lui révèle un nouveau monde, lui donnant des techniques et des inspirations dans sa quête du rythme et des formes qui en découlent. Pour redécouvrir les influences du compositeur, qui aurait fêté cette année ses 100 ans, la Philharmonie de Paris invite l’Ensemble intercontemporain à ouvrir les festivités du week-end avec un programme revenant aux sources du rythme. Quelques œuvres de Ligeti sont ainsi entourées d’œuvres de compositeurs africains des XXe et XXIe siècles, se voulant représentatifs de ces influences.
Battements de vie
Cette énergie de la pulsation qui avance dans le temps est immédiatement appréciable lors du deuxième mouvement Loop de la Sonate pour alto de Ligeti interprétée par John Stulz. Son archet fait sonner tout le grain si recherché de la corde de do et offre des attaques sûres. La régularité parfaite du tactus est primordiale, les musiciens de l’Ensemble intercontemporain faisant ainsi preuve d’une attention et d’une écoute mutuelle extrême. Quelques motifs perdent peut-être de leur précision lors de la Leaping Dance de Kevin Volans, d’origine sud-africaine, et la direction de Vimbayi Kaziboni n’insuffle pas toujours le besoin d’avancer.
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Si les micro-décalages sont extrêmement difficiles à repérer dans le fabuleux paysage sonore de Stydu no.7 de Conlon Nancarrow, cette polyphonie très complexe demande néanmoins une précision parfaite pour ne pas paraître être une juxtaposition incohérente de motifs. Invisible Self du sud-africain Andile Khumalo, composée en 2020, n’est pas forcément représentative des inspirations de Ligeti, permettant toutefois d’apprécier le jeu du pianiste Dimitri Vassilakis, offrant un ostinato de la main gauche imperturbable pour une main droite percussive dans les aigus.
La quête de l’harmonie
Dimitri Vassilakis poursuit seul sa démonstration de conscience précise des rythmes avec trois autres œuvres : la débordante étude pour piano n°1 Désordre de Ligeti, l’hypnotisant The Homeless Wanderer de Emhoy Tségué-Maryam Guèbrou et Ukom, extrait infini aux couleurs blues de Talking Drums Nr.1 de Joshua Uzoigwe. Après Ritmicas de Tania León, œuvre de 2019 davantage héritière de Ligeti que l’inverse, le Concerto pour piano et orchestre de Ligeti clôt le concert. Défendu par le toucher précis et régulier du pianiste Sébastien Vichard, le concerto est une synthèse des expérimentations du compositeur sur le rythme, l’harmonie et le traitement de timbres.
Dédié au tout premier administrateur de l’Ensemble intercontemporain, Nicholas Snowman disparu la veille même, le concert parvient à faire ressentir cette force du rythme, outil que Ligeti n’a cesser d’expérimenter pour maîtriser le temps et, finalement, parvenir à ce qu’il n’existe plus.