COMPTE-RENDU – Glenn, naissance d’un prodige, la nouvelle pièce de théâtre de Ivan Calbérac sera un succès de la rentrée culturelle parisienne. Cette pièce surprenante sur le fameux pianiste va aussi bien séduire le grand public que les fins amateurs de classique. On l’a vu, on vous raconte… En attendant sa reprise au Petit Montparnasse à partir de Septembre 2022.
Glenn Gould ? Un mythe, un interprète si atypique, un succès commercial si inégalé, une personnalité si énigmatique qu’il ne laisse personne indifférent. Il y a ceux, comme la philosophe Fabienne Brugère, qui ne peuvent travailler qu’en écoutant ses Variations Goldberg (la version de 1955, le disque classique le plus vendu de l’histoire). Il y a ceux, comme le maestro Philippe Herreweghe qui ne supportent pas Glenn Gould car il a « cette tendance haïssable à se tenir, le plus visiblement possible, entre Bach et moi ».
Conseillez cette pièce à ceux qui ne connaissent pas Gould comme à ceux qui l’adorent.
Une mère abusive
La pièce Glenn, naissance d’un prodige, présentée en juillet à Avignon au théâtre des Béliers parisiens, réconciliera tout le monde (ou au moins surprendra tout le monde) car son propos prend la tangente de ce débat en racontant la vie de Gould avec un angle étonnant : sa mère. Maman Gould veut se venter d’avoir fait de son fil un génie de la musique. On découvre dans cette pièce qu’elle était sans doute une mère abusive, voire perverse, franchement mégalomane et que cette violence sourde a bien construit (bousillé ?) un être hyper sensible.
C’est Mozart qu’on assassine ? Il y aura ceux qui verront les dégâts causés par cette mère démiurge et manipulatrice, au point de priver son fils de relations humaines. Il y ceux qui se diront que c’était à ce prix-là que Gould fut Gould…
Thomas Gendronneau ne copie pas Gould, il s’en inspire pour incarner un jeune homme pétri de musique
Thomas Gendronneau bouleversant
L’auteur de Glenn, naissance d’un prodige est un virtuose de l’écriture théâtrale non subventionnée. Ivan Caldérac a connu le succès avec L’Étudiante et Monsieur Henri et Venise n’est pas en Italie qui lui valu un Molière. Ne pouvant éviter les poncifs incontournables de la légende Glenn Gould (son hypocondrie, ses obsessions, son succès incroyable, ses postures au piano, son refus de se produire sur scène pour se consacrer à l’enregistrement), il s’en sert idéalement pour soutenir le rythme de sa pièce sans en faire le sujet principal. C’est l’histoire d’un génie comme celui d’une victime.
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Nous donnerions un Molière à Thomas Gendronneau (Les Damnés de Ivo van Hove, Shakespeare in the Woods de Philippe Calvario, etc.). Le comédien incarne à la perfection le pianiste, les regards de biais caractéristiques du syndrome d’Asperger, l’hypocondrie irraisonnable, les attitudes au piano comme autant de photos gravées dans nos mémoires.
Le comédien joue même quelques notes. La mise en scène sait contourner le problème de faire entendre ou pas le son Gould : c’est malin. Thomas Gendronneau ne copie pas Gould, il s’en inspire pour incarner un jeune homme bouleversant, pétri de musique, fort d’un instinct d’interprétation extra-terrestre mais toujours sur le fil de l’insociabilité. Autour de lui, une mère non moins captivante incarnée par Josiane Stoleru, un père dépassé (Bernard Malaka), un mangeur courageux (Benoît Tachoires) et une cousine martyre (Lison Pennec).
Conseillez cette pièce à ceux qui ne connaissent pas Gould comme à ceux qui l’adorent. Ceux qui vénèrent Glenn Gould iront aussi, pour mieux s’offusquer de cette réussite.
Actuellement aux Béliers à Avignon. Et au Petit théâtre Montparnasse en septembre 2022.