COMPTE-RENDU Le festival de Printemps des Arts Florissants a donné vie au répertoire du compositeur britannique baroque Henry Purcell, dans les églises du sud de la Vendée, entre le 28 et le 30 avril. Au programme, cinq concerts affichant complets et la visite des jardins de William Christie, classés jardins remarquables.
La chaleur était à la fête pour cette 7ème édition du Festival de Printemps des Arts Florissants. Pas tant la météo, inespérée, que la belle convivialité qui y régnait. Tout au long du festival, l’ambiance chaleureuse et avenante s’est diffusée dans l’auditoire, donnant l’impression d’un festival pas comme les autres. Un charme particulier impliquait les différents acteurs et pourtant, The Fairy Queen n’est point venue, même si Purcell était au rendez-vous !
La machine à café 2.0
Les formats « Concerts & Café », du samedi et dimanche matin en l’église de Saint-Juire-Champgillon, y ont sans doute été pour quelque chose : un court concert, plus intime, avec un ou deux virtuoses, suivi d’un bon café (ou jus) avec l’assistance.
Benoît Hartoin, d’abord, nous a fait voyager dans les quatre grandes nations du baroque. Au clavecin retentit la suite en sol mineur de Purcell, qui alterne entre rapidité, façon battements d’ailes de libellule, et douceur enveloppante. La vivacité de la Toccata en la mineur de Stradella a émerveillé, ensuite, par sa volupté, avant le plus grave et solennel Tombeau de M. Blancrocher, de Couperin. Le fidèle des Arts Florissants a ensuite joué Mozart avec dextérité, effleurant presque les touches du clavier supérieur pour l’allegro assai de la Sonate en fa majeur. Après ces quatre compositeurs morts précocement dans leur troisième décennie, c’est la profondeur de Forqueray, en bis, qui achèva le concert.
Le lendemain, Augusta McKay Lodge au violon et Florian Carré au clavecin ont interprété une variété d’œuvre autour de Purcell. La technique exemplaire de la violoniste s’est entendue notamment lors de la sonate en sol mineur de William Croft, durant laquelle le public est resté suspendu aux mouvements de l’archet et a vu une magie s’opérer, figeant le temps. Cette prodige, repérée par William Christie, a transmis également un bouquet d’émotions avec une pièce de Nicola Matteis, tant sa joie de jouer était visible, allant même jusqu’à taper des pieds pour Diverse Bizzarie !
A la chaleur des bougies
Bien que le dernier concert ait eu lieu en plein jour dans l’église de Chantonnay, de généreux chandeliers furent allumés pour donner un écrin au consort de viole. Basse, ténor, alto, dessus de viole de gambe ont été accompagnés par un orgue, en alternance avec le duo de violons formé par Tami Troman et Augusta McKay Lodge. Se sont ainsi succédées Fantaisies à 4 et Sonates en trois parties de Purcell, les unes tournées vers le passé avec la présence des violes de gambe déjà en vogue depuis la Renaissance, et les autres, orientées vers le futur, en mettant en valeur le nouvel instrument venu en Angleterre, le violon. Pour une meilleure compréhension de ces pièces, rarement données en concert sur le continent, Paul Agnew en a donné, de manière didactique, le contexte, à savoir les suites de la deuxième guerre civile anglaise pour le Commonwealth. Écouter la famille des violes de gambe dans une telle harmonie, avec entres autres, la remarquable Myriam Rignol fut un moment unique. Une petite nuance est à apporter dans les deux premières sonates où le faible son de la viole s’est effacé devant l’intensité chromatique des violons. L’énergie et les précises incisions des violons ont contrasté avec les tons parfois mélancoliques, voire même amers, des fantaisies en mineur. L’accompagnement de l’orgue par Florian Carré fut subtil et tout en légèreté, et la Sonate en trois parties n°12 marqua l’apothéose de ce concert, avec un équilibre adéquat entre tous les instruments.
Une ferveur régulière
Il est impressionnant de constater l’empreinte sur le territoire de l’ensemble de William Christie. Le projet de la Fondation des Arts Florissants inspire l’engagement. Les relations entre musiciens apparaissent comme familiales ; les maisons acquises et restaurées à Thiré contribuent à cette sympathie impression de cocon. Des bénévoles aux profils variés facilitent l’organisation de l’ensemble musical et du département de Vendée. Et l’auditoire venu de France et d’ailleurs s’amuse à se reconnaitre d’un concert à l’autre. Le festival, facteur de lien social, conquit chacun. Tel cet homme découvrant le festival grâce à une émission de télévision louant les jardins travaillés du chef d’orchestre et devenant par la suite mécène,ou cet Italien habitant des Pays de la Loire, n’ayant pu obtenir de places et venant longtemps en amont de chacun des concerts, dans l’espoir d’écouter de la musique baroque. Des Toulousains avaient, quant à eux, construit leurs vacances autour de cet évènement-phare. Une fois le festival terminé, ils sont tous impatients de revenir à celui d’été.