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Wagner en timelapse à Toulouse

COMPTE-RENDU : Joseph Swensen retrouve l’Orchestre National du Capitole de Toulouse pour y diriger sa propre synthèse du Ring des Nibelungen de Richard Wagner qu’il intitule « L’Odyssée du Ring ». Ils sont appuyés par trois chanteurs solistes : Christiane Libor, Christian Elsner et Damien Gastl ainsi que d’une partie des pupitres masculins du Chœur de l’Opéra National du Capitole. Petit voyage homérique en perspective !

Joseph Swensen : le cheval de Troie wagnérien

Comme l’Odyssée d’Homère, le Ring de Wagner est de ces œuvres qui trônent dans l’inconscient collectifs de tous, mélomanes ou non : films, publicités, sitcoms… Des Simpson à Alien, celui qui théorisait l’œuvre d’art de l’avenir est pour le moins devenu en 150 ans un incontournable de la culture populaire.

Faute de pouvoir monter un ring complet, tel Ulysse à l’entrée de Troie, Joseph Swensen doit concocter un plan pour faire rentrer un ring d’une petite quinzaine d’heures en 2H30. Pas de cheval de bois ici, mais une synthèse qui respecte l’ordre chronologique de l’œuvre originale, ainsi que ses moments clefs. Elle permet ainsi au connaisseur de suivre le fil du récit malgré les nombreuses éludes. La première partie est donc consacrée à l’Or du Rhin et à la Walkyrie, la seconde à Siegfried et au Crépuscule des Dieux. Le découpage des quatre opéras est inégal. L’Or du Rhin et Siegfried sont assez rapidement abordés tandis qu’on accordera une place beaucoup plus prépondérante à la Walkyrie et au Crépuscule des Dieux. 

Joseph Swensen et l’Orchestre du Capitole : un duo haute fidélité ©ONCT
Fidèles comme Pénélope à son Ulysse

L’orchestre est donc dirigé par un de ses chefs récurrents, Josef Swensen. Comme Ulysse avec Pénélope, il revient à Toulouse quasiment chaque saison depuis un certain nombre d’années maintenant, principalement pour y diriger (avec succès) Mahler et Bruckner. La comparaison s’arrête cependant ici, l’orchestre du Capitole ayant bien sûr succombé à moultes prétendants entre chacun de ses passages. On reste dans ce même esprit avec Wagner et ses vastes orchestrations, même si Swensen saisit bien la dimension dramatique du ring et ne se contente pas d’en faire une relecture symphonique. On sent tout de même que les passages les plus populaires ont été plus répétés que d’autres.

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On remarque notamment le chatoiement des harpes accompagnant la progression des cuivres dans l’entrée des dieux au Walhalla, l’unicité dans les nuances lors de l’ouverture du deuxième acte de la Walyrie, la régularité rythmique associée à l’accumulation séquentielle des instruments dans la fameuse chevauchée, la puissance des instruments graves sortant de l’outre-tombe lors des leitmotivs de la grotte du dragon ou encore la compréhension dramatique du grand final où la violente destruction cède la place aux premières notes du renouveau. Tel Siegfried dans sa forge, Joseph Swensen trouve ainsi le parfait alliage de puissance et de subtilité nécessaire à tout bon Wagner. Quelques imprécisions sont toutefois à noter, dans la relation entre l’orchestre et les chanteurs notamment. Les violons et les cymbales sont également parfois timides face au reste des instruments. 

Les sirènes n’envoutent pas leur public. 

On n’en est pas à se boucher les oreilles, loin de là, mais le risque que l’on se jette dans l’océan pour rejoindre Christian Elsner et Christiane Libor en entendant leur chant demeure très faible. La ressemblance des deux prénoms est par ailleurs assez amusante quand on sait à quel point Wagner tenait aux appariements onomastiques dans son Ring (Siegmund, Sieglinde et Siegfried ; Gunther et Gutrune ; Fafner et Fasolt…). Vieux routiers du wagnérisme, Christiane Libor et Christian Elsner connaissent les tenants et aboutissements du Ring, qu’ils enseignent probablement dans le cadre de leurs fonctions pédagogiques. Mais ont-ils encore la vigueur et la force nécessaires pour incarner de jeunes premiers, même pour un condensé ? 

La Soprano Wagnérienne Christiane Libor ©DR

Les débuts de Christiane Libor en Sieglinde sont compliqués. Elle peine à émettre les sons et bien souvent on entend plus le souffle que les notes. Le médium est correct mais la montée dans les aigus est chaotique. Faisant preuve d’une véritable détermination, elle s’accroche cependant et parvient à sauver les meubles grâce à ses compétences techniques, offrant même de belles couleurs à quelques moments lors de subtils effets. Même si l’on sent la difficulté tout au long du concert, emportée par le drame, elle devient beaucoup plus régulière dans la deuxième partie. Elle tient ainsi jusqu’à l’immolation de Brunhilde où elle parvient à se faire entendre par-dessus l’orchestre tout au long du vaste final malgré quelques accrochages mélodiques. Il faut également souligner sa polyvalence. Elle aborde en effet, en plus de Brünnhilde et Sieglinde, différents rôles secondaires tels que les appels des Walkyries pendant la chevauchée ou encore les Nornes lors du prologue du Crépuscule des Dieux.

Le Ténor Christian Elsner ©Detlef Kurth
Les héros prennent l’eau

Christian Elsner est totalement submergé par l’orchestre, même au premier acte de la Walkyrie quand ce dernier est le plus léger. Sa voix franchit ainsi rarement l’estrade du chef et lorsque l’on parvient à l’entendre, le timbre est peu clair et encombré. Le souffle ne permet pas non plus de tenir les répliques dont le rythme se retrouve parfois assez anarchique. Séparés par l’estrade, ces deux chanteurs n’ont pas vraiment eu d’interactions pendant le concert. Même dans le cadre d’une version concert, quelques efforts de mise en espace n’auraient probablement pas gâchés le spectacle et peut-être même permis de faire oublier un peu les insuffisances vocales. 

La basse Damien Gastl incarne furtivement Wotan et Hagen. Le volume est adapté et les phrases continues. Les graves manquent cependant de chaleur d’amplitude. Le chœur masculin intervient également rapidement mais efficacement pour le crépuscule des dieux. Ses enchainements internes sont fluides et ses répliques bien nettes. Il donne de l’intensité lors de ses interventions malgré son effectif réduit. 

C’est donc une véritable épopée homérique qu’ont fait vivre au public l’ensemble des protagonistes de ce concert : avec des péripéties parfois aussi compliquées que la capture d’Ulysse par Calypso… Hormis pour le Walhalla, Brünnhilde, Siegfried et l’ensemble des personnages du Ring qui meurent tous bien entendu, le dénouement de ce concert est aussi heureux que celui de l’Odyssée, grâce à un Crépuscule des Dieux émouvant et d’excellente tenue. 

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