AccueilÀ l'écranA l'écran - InstrumentalHoward Shore : du ciné au concert, avec élégance

Howard Shore : du ciné au concert, avec élégance

CONCERT – Howard Shore est une légende vivante de la musique de film : sa partition écrite pour la trilogie Le Seigneur des Anneaux, de Peter Jackson, l’a fait rentrer instantanément dans l’histoire de la musique au cinéma, comme l’égal d’un John Williams et de sa musique pour Star Wars.

Elle lui valut trois Oscars plus que mérités et le succès planétaire d’albums qui continuent de se placer en tête des ventes, 20 ans après la sortie des films. Elle est également devenu la star des ciné-concerts.

À lire également : notre interview d'Howard Shore, en 2021
Dans l’ombre de l’anneau

En revanche,  cette partition est un arbre luxueux qui cache une forêt de trésors. En effet, en plus d’être le compositeur attitré de David Cronenberg depuis ses débuts, Howard Shore a collaboré avec les plus grands réalisateurs, de Martin Scorsese à David Fincher, de Tim Burton à Sidney Lumet en passant par Jonathan Demme. Il a su construire une œuvre extrêmement contrastée, ne s’arrêtant jamais à un style, un son, une formation particulière mais se renouvelant sans cesse et ce, toujours au service du film. On passe ainsi du symphonisme post romantique de La Mouche au saxophone plaintif et inquiétant de Ornette Coleman pour Le Festin Nu, en passant par les guitares électrique aériennes de Crash ou le thérémine ironique de Ed Wood, pour revenir à la grande tradition du symphonisme hollywoodien pour Le Seigneur des Anneaux. Mais là encore, il s’agit d’une partie seulement du catalogue de Shore, dont les œuvres concertantes sont totalement à (re)découvrir. 

Howard Shore : bien plus que Le Seigneur des Anneaux
Choisir son pinceau

C’est le défi qu’a relevé brillamment Radio France, lors d’un week end complet consacré à l’oeuvre du compositeur canadien. Après Lalo Schifrin en février dernier, l’Orchestre philharmonique de Radio France a ainsi pu explorer, dimanche 14 mai dernier, lors du 3ème concert de ce cycle, son œuvre exclusivement concertante. Contrairement à beaucoup de ses pairs, Shore ne modifie ni son approche musicale ni son écriture, lorsqu’il passe du cinéma au concert. A la différence par exemple d’un John Williams qui écrit dans un langage très différent et plutôt atonal lorsqu’il quitte le cinéma pour la scène, Shore y voit plutôt l’occasion d’enrichir son écriture mais en aucun cas de la modifier en profondeur : « Je compare la composition à différents pinceaux, explique-t-il. La musique de film nécessite un pinceau plus large, et la musique de concert un pinceau plus petit, plus propice aux détails (…) J’aime les deux, et, pour moi, elles sont toutes aussi difficiles à écrire l’une que l’autre ». 

Quatre pièces concertantes et trois solistes vont se succéder dans ce programme contrasté et coloré. 

L’Orchestre Philharmonique de Radio France ©RadioFrance
Ambiance recueillie

Tout d’abord, le philharmonique de Radio France accueille la violoniste Raphaëlle Moreau, dans le concertino inspiré par la musique du film Eastern Promises (les Promesses de l’ombre) de David Cronenberg. Cette pièce est la preuve, s’il en était besoin, que la puissance d’écriture cinématographique de Shore passe au concert sans le moindre problème : les thèmes sont ceux du film, les développements ceux d’un concerto pour violon. La mélodie initiale plaintive, joué au violon seul, sorte de voix intime et solitaire du personnage féminin du film (joué par Naomi Watts) qui va se heurter seule au système implacable et ultra violent de la mafia russe, est joué par Raphaëlle Moreau avec une douceur et un phrasé superbe. La qualité de sa sonorité frappe immédiatement et elle joue cette pièce avec un engagement total, tout comme la suite, The Song of Name. Cette deuxième pièce du programme est une sorte de prière qui rappelle à certains moments les œuvres concertantes de Bloch, par son côté recueilli aux sonorités hébraïques.  

Demarquette : de Michel Legrand à Howard Shore

Le concerto pour violoncelle Mythic Garden (2012) continue le programme, avec en soliste Henri Demarquette. Le choix du musicien était assez logique puisque Demarquette avait déjà créé et enregistré un autre concerto d’un autre grand de la musique au cinéma, Michel Legrand. L’écriture de Shore a l’apparence de la simplicité mais dès les premières mesures, on se rend compte qu’il nous emmène dans une sorte de tourbillon à l’écriture lyrique, où le violoncelle dialogue mais sans jamais fusionner avec l’orchestre, et où ces questions apparemment sans réponses vont finalement trouver leur résolution dans le troisième et dernier mouvement. On sent là le goût du compositeur de ne jamais emprunter une voie évidente mais amène l’auditeur vers des voyages sonores élégants mais étranges, complexes mais dans un langage tonal totalement maitrisé. Henri Demarquette sert avec passion et fougue cette œuvre singulière, accompagné là encore d’un Philharmonique de Radio France des grands soirs. 

Henri Demarquette, abonné aux compositeurs de cinéma
En présence du maître

Enfin, le concert se termine par le concerto pour piano Ruin and Memory, commandé par Lang Lang en 2010. Le pianiste Jean Paul Gasparian, talent montant de la scène française, sert cette musique comme il se doit, en faisant ressortir les influences d’un Chopin, d’un Grieg et d’un Saint-Saens. Son toucher délicat et aérien fait merveille. Certains passages plus virtuoses auraient peut-être demandés davantage de fougue mais l’élégance de son jeu efface immédiatement cette impression. 

Le maitre d’œuvre de la soirée reste pourtant le chef Bastien Stil, habitué du répertoire cinématographique, qui tient de bout en bout un grand orchestre dans des pièces très contrastées et avec un sens de l’accompagnement évident.

Une standing ovation pour le compositeur, présent dans la salle, termine de convaincre, s’il en était besoin, que ces compositeurs de l’image sont d’abord de grands compositeurs que le public suit et adule. Il fallait voir les fans faire venir humblement signer leurs affiches de films et leurs livrets de CD à Howard Shore, qui se prêtait à l’exercice avec une élégance qui ressemble trait pour trait à sa musique. 

Le replay du concert est disponible sur Arte.tv

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