COMPTE-RENDU – Le pianiste Krystian Zimerman se produisait en récital le 1er juin dernier à la Fondation Louis Vuitton (Paris). Pianiste de l’intime et de la passion maîtrisée, ses apparitions en public sont rares et toujours très attendues. Hélas, il semblerait bien que les outrages du temps se fassent sentir sur son niveau pianistique et son engagement scénique.
Comme le chantait Renaud, en 1985, « le temps est assassin, qui emporte avec lui les rires des enfants, et les Mistrals gagnants ». Oui, le temps est assassin. Corneille, utilise, lui, les alexandrins rimés avec coupure à l’hémistiche (c’est l’époque qui veut ça), pour faire dire à Don Diègue, dans sa pièce Le Cid :
« Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? »
Blanchi sous le harnois
En effet, Krystian Zimerman a blanchi et son visage s’auréole à présent d’une chevelure et d’une barbe neigeuses, qui lui confèrent une allure de pâtre grec assez réussie. Lauréat, à 19 ans, du Premier Prix du prestigieux concours Chopin de Varsovie en 1975, c’est un pianiste méticuleux, qui égrène les notes avec un dosage fin et calculé, dans une recherche incessante de pureté sans chichis. Il joue véritablement Chopin comme il respire, à croire que cette musique a été écrite pour lui : rubato subtil, dans une grande régularité générale, main gauche piédestal immuable et souple des idées thématiques développées à la main droite, intensité des retenues… Ses enregistrements des années 80 sont tout simplement des bijoux, comme par exemple la divine Barcarolle en Fa dièse Majeur, de Chopin évidemment :
Sur le fil du rasoir
Le 1er juin dernier, c’est un monsieur au pas hésitant qui s’est avancé sur la scène de l’Auditorium de la Fondation Louis Vuitton, au début du Bois de Boulogne (Paris). Tout aussi hésitant et semblant comme peu sûr de lui, il a entamé la 1er Partita de Jean-Sébastien Bach, pas vraiment le morceau « confort », enrobant, qui pourrait vous permettre de chauffer vos doigts sereinement. Au contraire, c’est de la fine dentelle, où chaque note compte, et où la clarté de chaque ligne est nécessaire. Évidemment, on a eu tout ça, mais de manière extrêmement prudente et contrôlée, à tel point qu’on en avait presque le trac pour lui ! Idem pour la 2ème partita qui a suivi, même si un peu de confiance semblait le regagner.

Un disque rayé ?
Puis vinrent 4 préludes et 5 mazurkas du compositeur polonais Karol Szymanowski, égrenés, susurrés, impeccables d’interprétation mais manquant sérieusement d’intensité et de force de conviction. Là aussi, perçait comme un manque de confiance, une appréhension à aborder vraiment le sujet traité. Restait alors la dernière partie du récital, constituée de la troisième sonate pour piano de Frédéric Chopin, a priori un retour au stand pour Krystian Zimerman, tant cette sonate fait partie de son bagage permanent de pianiste concertiste. Hélas, la version entendue à la Fondation Louis Vuitton nous a donné l’impression d’un disque rayé, usé à force d’avoir trop tourné… On sentait l’interprète lui-même désolé de cette situation. À l’issue de la sonate, il a salué timidement, s’est tenu au bord de la scène, a re-salué timidement et a tourné les talons, sans même accorder de bis au public.
Alors oui, le temps est assassin, même si, comme le dit -à nouveau- Renaud, « il faut aimer la vie, l’aimer même si le temps est assassin »… Aimer la vie en réécoutant les enregistrements Deutsche Gramophon de Krystian Zimerman, par exemple.
L’article est prudent, respectueux et bien informé. Mais il dit la vérité, même si elle est un peu triste.
Soyez-en remerciés car trop de critiques encensent les mêmes vieilles gloires dont le talent est supposé immuable. Et trop souvent on se cramponne à son Panthéon d’autrefois au détriment de jeunes talents évidents.
(Deux petites remarques stylistiques: le pénible « comme par exemple » est un gras pléonasme dont on peut se passer, autant que de la leçon de versification du début)
Eh bien nous n’étions certainement pas au meme concert…je ne partage absolument pas cet avis !
Krystian Zimerman a donné un concert d’une sensibilité rare qui fait souvent défaut à de nombreux pianistes en quête de prouesse et à l’ expression dégoulinante qui manque de sincérité que l’on encense en permanence dans notre pays …
Ce qui explique peut être votre mal être personnel ressenti décrit dans votre phrase : *à tel point qu’on en avait presque le trac pour lui » . Si vous vous étiez laisser approchée et toucher par cette intime sincérité plutôt que de chercher à analyser son entrée, sa démarche tout en y projetant ce que vous vouliez y voir de votre vision de la vieillesse ou de vos angoisses personnelles…à aucun moment vous n’auriez ressenti un quelconque trac pour lui mais plutôt une intense émotion d’amour et de beauté de la musique qu’il partageait pour atteindre vos oreilles et votre coeur .
Et si cela peut vous rassurer, je peux vous garantir qu’il est très loin de flancher ..
Cette année j’ai eu l’occasion de l’écouter à Basel, Zurich, Amsterdam, Paris et je serai à celui de Nuremberg également en septembre .
Ses concerts étaient tous très différents les uns des autres avec pourtant le même programme et son piano comme à son habitude. Leur point commun? Un parfait équilibre entre sobriété, générosité, sensibilité et maîtrise du son de l’harmonie et du phrasé le tout au service de l’émotion qui vous plonge face à ce que vous êtes…
Certains diront que l’âge lui donne plus de sensibilité et moins de froideur …pour ma part je ne l’ai jamais trouvé froid.