DISQUE – Le conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris sous son label INITIALE a donné carte blanche à l’un de ses lauréats, le jeune violoniste David Petrlik pour un album intitulé B3 consacré à Bach, Bartok et Boulez.
A 27 ans, David Petrlik fait partie de cette génération de jeunes violonistes, dotée d’une personnalité musicale affirmée. A sa carrière de soliste s’ajoute désormais un intérêt pour la musique de chambre ; après le trio Messiaen avec qui il a déjà enregistré et remporté plusieurs récompenses, il vient d’intégrer le Quatuor Elmire en tant que 1er violon.
Un programme peu banal
David Petrlik a concocté un programme audacieux et d’une rare densité autour de trois compositeurs avant-gardistes ayant apporté quelque chose par leur modernité à l’histoire de la musique, notamment au niveau de l’écriture violonistique : Bach, Bartók, Boulez…. les trois B.
Il a choisi 3 œuvres pour violon solo ayant un lien entre elles qu’il présente avec clarté dans le livret qu’il a lui-même rédigé, faisant preuve également d’une culture musicologique.
Trois sommets du violon
L’Himalaya Bach
La 1ère des œuvres interprétée est la sonate n°1 BWV 1001 de Jean-Sébastien Bach, surnommée « l’Himalaya des violonistes » par George Enesco. Le jeune violoniste atteint ce 1er sommet par une ascension sans difficulté, toute en finesse et humilité, restituant les éléments qui constituent le langage de Bach : expressivité proche de la voix dans la lente méditation du 1er mouvement, articulation précise, écriture nette, lisible, phrasé subtil, conduite de chaque voix propre au style contrapuntique de la fugue.
Les Carpates de Bartok
Avec la sonate pour violon solo de Béla Bartók, il atteint le 2ème sommet de son ascension avec tout autant d’aisance pour exprimer la nostalgie de l’Europe centrale que le compositeur ressentait lors de son exil américain. Le violoniste met en évidence la modernité de l’œuvre sans oublier le lien avec Bach dans le travail contrapuntique de cette composition à la même architecture en 4 mouvements comportant également une fugue et un presto en perpetuum mobile (mouvement perpétuel). Le violoniste déploie une grande virtuosité mais jamais tape-à-l’œil, fait preuve de détermination dans l’acquisition du langage du compositeur hongrois, comme dans la dimension rythmique inouïe de l’œuvre ou la parfaite maîtrise des pizzicati dit « pizz Bartók » (façon de pincer la corde dont la résonance est coupée par le retour de celle-ci sur la touche) apportant une sonorité percussive. Dans Melodia, il offre une déchirante méditation, reflétant la nostalgie d’un pays perdu (la Hongrie) que Bartók ne reverra pas. La musique meurt sur une dernière note filée dans une profonde émotion avant d’attaquer un final incisif au timbre plus âpre.

L’Alpe d’Huez de Boulez
Pour clore ce CD où les difficultés techniques de l’instrument s’accumulent comme autant de défis, David Petrlik s’attaque à Anthèmes 2 pour violon et électronique de Pierre Boulez (1997), achevant avec brio son ascension. Cette œuvre cérébrale qui peut repousser plus d’un auditeur, est rendue compréhensible, accessible, même captivante ! Par ajout d’un instrument électronique, pensé pour interagir en direct avec l’interprète, les possibilités sonores du violon se multiplient, le son se projette dans l’espace pour une autre dimension. Avec la complicité de Jacques Warnier aux manettes, ils explorent des timbres, des nouvelles sonorités, font résonner ou tourbillonner les sons.
Il est époustouflant dans la précision rythmique d’une extrême difficulté, les nuances brutales alternant sur chaque note, le foisonnement des jeux instrumentaux. La conduite formelle est claire, chaque strophe se diversifie par un geste musical (arabesques, pizzicati, coups d’archets incisifs) et est interrompue par des sons tenus à peine audibles.
Virtuosité
Quelque soit l’œuvre, le son est toujours superbement timbré, lumineux, le jeu instrumental d’une précision et d’une virtuosité phénoménale : une virtuosité qui s’approche de la limite et où on se demande jusqu’où il va et peut aller sans chuter. David Petrlik est un interprète qui semble aimer se mettre en danger en utilisant la virtuosité dans le sens d’essayer de rejoindre l’impossible, sans esbroufe, comme les aimait Pierre Boulez. Ainsi cette citation du maître lui sied à merveille :
« La virtuosité fascine car elle est réservée à une certaine catégorie d’interprètes ; ceux qui se tirent des situations les plus difficiles avec une grande force et beaucoup d’élégance » (Pierre Boulez, décembre 2008).
C’est pour qui ?
- Les amoureux du violon.
- Ceux qui veulent comprendre l’écriture violonistique sous toutes ses formes.
- Ceux à l’affût des jeunes prodiges.
Pourquoi on aime ?
- L’audace et la cohérence de ce programme
- Le livret explicite (qui plaira même aux réfractaires à Boulez).
- La virtuosité dans tous ses états.