FESTIVAL – Eva Zaïcik est rejointe dans la “Salle des Pôvres” par Les Épopées de Stéphane Fuget pour un récital de lamenti italiens du XVIIe siècle.
La voix d’Eva Zaïcik était l’un des rares plaisirs d’une production controversée d’Armide de Lully à Dijon en avril. Elle revient en Côte d’Or avec un récital de complaintes italiennes de la première moitié du XVIIe siècle.
Lacrimosal
Sur les huit pièces chantées par Eva Zaïcik, six sont de véritables crises de larmes : des sanglots musicaux interminables résonnant dans la Salle des Pôvres de l’Hospice de Beaune, avec la soliste sous le jubé et la basse continue qui l’accompagnait, derrière elle dans le sanctuaire. D’autant que ce concert a donc lieu devant une reproduction du retable du milieu du XVe siècle de Rogier van der Weyden : Le Jugement dernier – une toile de fond (quoiqu’en bois mais faite pour ce lieu) appropriée pour ce concert de lamenti de Monteverdi, Sances, Merula et deux œuvres de Barbara Strozzi.
Continuo discontinu
Ce récital risquait ainsi de s’effondrer en une litanie de pièces de plus en plus larmoyantes, mais cet inventaire du chagrin s’est vu heureusement médiatisé par des pièces instrumentales des membres du groupe de continuo : Mathias Ferré (basse de viole), Massimo Moscardo (théorbe) et Stéphane Fuget (claviers). La quatrième membre du groupe de continuo, Marina Bonetti (harpe) a offert la sensibilité de son accompagnement (lorsqu’on le lui permettait). La direction de Fuget ne semblait en effet pas faire confiance à la musicalité de ses collègues qui entendaient pourtant suffisamment bien Eva Zaïcik pour l’accompagner avec sympathie et empathie, sans l’intervention d’incessants gestes de la main depuis le clavier. À certains endroits, c’est la chanteuse elle-même qui aura manqué d’espace suffisant pour développer sa musicalité.
EVa ! Laisse couler mes larmes
Mais le spectacle de concert, ce fut Eva Zaïcik elle-même. Même dans cette Salle des Pôvres, longue (et mince comme son nom l’indique), mais sans doute davantage de près que de loin, sa voix souple associe une large tessiture à un contrôle tout simplement magnifique de la couleur vocale et de l’articulation. D’autant qu’elle y ajoute des changements dynamiques à couper le souffle – malheureusement atténués par quelques figures trop compliquées de la basse continue. Mais elle a superbement su rendre l’affetto des lamentations avec une grâce et un contrôle qui font vivement pâmer l’auditoire et cruellement pâlir la « performance » théâtrale de certains membres du continuo. Tant pis, et sans perdre de temps à verser sur eux des larmes de crocodiles, elle donne son meilleur dans les deux œuvres extraites de la musique de scène de Cavalli – Il Giasone et Xerxès.
Le concert a été bien accueilli et le public enthousiaste récompensé par une autre complainte – tirée de l’Egisto de Cavalli. Dans un moment vraiment poignant, Eva Zaïcik a reconnu sa dette envers la soprano Claire Lefilliâtre en l’invitant à monter sur scène pour « Pulchra es« , tiré des Vêpres (1610) de Monteverdi. De quoi faire pleurer les spectateurs qui ne l’auraient pas encore fait jusque là.
Retrouvez également Eva Zaïcik sur la route des Festivals donc dans notre Carte-Guide 2023 : au Festival Musique & Mémoire et à Ambronay