FESTIVAL – La Compagnie In-Sense revient au Festival Off d’Avignon, au Théâtre du Petit Louvre à 17h55, avec son spectacle tout public Fables – Miniatures Lyriques mis en musique par Isabelle Aboulker et mis en scène par Léna Rondé.
Un décor qui a du chien
Connue comme le loup blanc dans la Cité des Papes (au moins pour qui a vu ce spectacle), la Compagnie In-Sense revient faire redécouvrir l’une après l’autre quatorze des plus célèbres fables de La Fontaine, sous la forme d’opéras miniatures, avec les voix de deux chanteurs accompagnés de trois musiciennes. Le décor rappelle un vieux salon, avec une armoire et des tiroirs qui s’ouvrent tout seuls (et qui cachent des accessoires nécessaires au spectacle : une fausse tortue, un dessin de gratte-ciels et un autre d’un champ, un ballon blanc -le fromage du corbeau-, une table qui se transforme en un petit marais verdoyant, et un magnétophone sur une petite table d’appoint qui reproduit la voix d’Isabelle Aboulker, racontant sa relation avec ces fables).
Des rossignols bavards comme une pie
Collègues de longue date, les chanteurs sont très à l’aise sur scène, comme des coqs en pâte. Très expressifs et pleins d’énergie. Niveau vocal, ils sont comme des poissons dans l’eau, imitant les bruits des animaux : à Marie Blanc le croassement du corbeau depuis le haut de l’armoire par exemple, la mezzo-soprano gardant un style charmeur et doux comme un agneau. Son jeu sur scène reste très élégant, avec un air mystérieux parfois. Son chant est tout aussi captivant, très sonore et vibré dans toute la gamme avec des phrasés d’une grande finesse.
Très à cheval sur la qualité de son jeu, le baryton Philippe Scagni fait rire le public avec des grimaces et des regards sur-expressifs. Sa voix reste très généreuse et projetée. Cependant, le vibrato déstabilise parfois la ligne et aplatit les aigus (à se demander s’il n’a pas poussé le dévouement animalier jusqu’à recueillir un chat dans sa gorge). Mais, malin comme un singe, et loin d’être une poule mouillée, il prend le taureau par les cornes et impose sa voix ancrée qui ne perd absolument pas en puissance. Il fait preuve également de souplesse, passant du coq à l’âne sans difficulté, d’un chant élégant et assuré à une voix nasale pour les canards, ou aiguë et stridente pour la fourmi.
Forts comme un bœuf
Les instrumentistes (la pianiste Ernestine Bluteau, la violoncelliste Marina Nguyen The et la clarinettiste Maïté Atasay) sont dans un coin de la scène, mais n’ont certainement pas d’autres chats à fouetter : elles accompagnent les chanteurs avec leur travail de fourmi (et contribuent aussi à l’art fabuliste fabuleux en expliquant à plusieurs reprises la morale de ces histoires).
Certes, il faut appeler un chat un chat : il fait une chaleur de bestiaire dans cette salle atteinte pour cette représentation de problèmes de climatisation, mais pas de quoi fouetter un chat, ni craindre qu’il n’y ait pas un chat dans le public. Infiniment loin de s’ennuyer comme un rat mort pendant le spectacle, l’assistance très enthousiaste au moment des saluts remercie longuement les artistes, même debout pour certains.
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Note de la rédaction : Philippe Scagni, interprète dans ce spectacle, rédige par ailleurs sur Ôlyrix des comptes-rendus de productions avec lesquelles il n’a pas de liens