DANSE – La dernière création d’Anne Teresa de Keersmaeker, Exit Above continue sa tournée. Après Avignon, la voilà à Rome le 10 et 11 septembre dans le cadre du festival Romaeuropa. La compagnie Rosas ira ensuite vers Lyon, Bordeaux puis Paris. Une pièce à ne pas manquer qui marque un tournant dans le répertoire de la chorégraphe.
Aux origines : le blues
La plupart des créations d’Anne Teresa de Keersmaeker prennent racine dans une partition musicale. Après les Sonates baroques de Biber pour Mystery Sonatas for Rosa créé en 2022, c’est du côté du blues qu’elle se tourne en 2023. Tout part de la chanson Walking Blues de Robert Johnson. Anne Teresa de Keersmaeker invite Meskerem Mees, autrice compositrice interprète à composer une série d’adaptation autour des “walking songs”.
Tous danseurs, tous musiciens
Anne Teresa de Keersmaeker intègre les deux musiciens, Meskerem Mees et Carlos Garbin à la chorégraphie. Si le guitariste est aussi danseur dans la compagnie Rosas depuis 2008 ce n’est pas le cas de la chanteuse. Meskerem Mees est impressionnante de naturel et de spontanéité dans ses mouvements ! Mais l’hybridation des disciplines est réciproque : les danseurs sont aussi musiciens : ils sifflent, émettent des bruits d’oiseaux ou fredonnent les airs de Meskerem Mees.
Une chorégraphie musicale
L’écriture chorégraphique est toujours en symbiose avec la partition. Ainsi même si les mouvements collectifs sont peu nombreux, les pas des danseurs sont toujours unis par la musique. Les interprètes sont d’une écoute sans faille pour coordonner leurs mouvements à la musique live. Le peu de répétitivité de la musique entraîne un renouveau dans la chorégraphie.
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Un renouveau stylistique
Dès les premiers instants on saisit le renouveau chorégraphique qu’Anne Teresa de Keersmaeker opère. Le minimalisme qui caractérise la chorégraphe laisse place à une danse plus brute et impressionnante notamment dans les sauts et la quantité d’énergie à fournir. La danse tire parfois vers le hip hop et la breakdance pour quelques figures au sol. Dans le premier solo, interprété par Solal Mariotte, les sauts et les chutes sont entremêlés.
Une scénographie fidèle à la chorégraphe
Le premier effet scénique est celui d’un voile de tissu propulsé dans les airs par une soufflerie : c’est une très belle image. La scénographie est toujours profondément liée à la musique : lorsque Meskerem Mees tend vers un style plus rap les lumières s’éteignent et les danseurs font virevolter des boules de feu.
Les formes géométriques tracées au sol avec des lignes colorées sont là comme marque de fabrique de la chorégraphe même si le parterre de l’amphithéâtre n’est pas assez incliné pour les voir depuis les premiers rangs.
A quoi jouent-ils ?
Cette pièce offre aussi un brin de folie. Les marches, habituelles de la compagnie,
sont entrecoupées de pauses pour lancer au public un regard noir, une grimace, ce qui provoque quelques rires gênés. L’incongru va crescendo : les danseurs crient, l’un joue au lasso avec le fil du micro, l’autre escalade l’échafaudage des projecteurs en arrière-scène, le guitariste frappe le sol avec une chaussure… Mais le plus dérangeant réside peut-être dans les mimes et bruitages du vomi qui sont répétés à maintes reprises. C’est finalement la fumée qui pousse les danseurs à l’agonie.
Après ce crescendo final, la guitare et le chant reviennent pour accompagner la révérence des danseurs placés en demi-cercle.
Si l’ambiance sur scène a été démente, le public de l’auditorium de Rome n’a pas forcément été saisi ce soir-là. Certains ont préféré quitter la salle, d’autres se regardent avec l’air interrogateur ou se chuchotent leurs impressions… Mais le public restant réserve un accueil chaleureux aux danseurs et plus d’un repart avec l’envie de danser !