CROSS-OVER – Du jazz à l’électro en passant par la morna cap-verdienne ou encore le classique, la 8ème édition de Variations, au Théâtre du Châtelet, a généré des rencontres artistiques et musicales fort plaisantes.
T’es qui, toi ?
Variations est une série musicale, imaginée par la société de production Sourdoreille, France Télévisions et le Théâtre du Châtelet. Tournée en public au Châtelet, elle invite des duos d’artistes qui ne se connaissent pas au départ, pour des rencontres musicales a priori improbables et pourtant pertinentes. Ainsi étaient prévus, au programme de cette huitième édition, le pianiste de jazz Yaron Herman et le musicien techno Jeff Mills, pour réinterpréter la musique de Duke Ellington, le DJ toulousain Kendal et les filles du quatuor à cordes Zaïde, pour reprendre à leur manière la musique du réalisateur de film et compositeur John Carpenter, et enfin le jeune compositeur électro Fakear et la chanteuse Mayra Andrade, pour un hommage musical à la chanteuse cap-verdienne Cesaria Evora.
Dans la salle, le public est résolument trentenaire et en couple. L’événement est complet depuis juin et l’impatience est grande, d’autant que le concert tarde à démarrer. Un gros dispositif de captation est en place avec, notamment, une caméra sur axe, qui survole le public à basse altitude, tel un dragon tout droit surgi de Game of Thrones. Sur scène, des tours d’échafaudage garnies de néons laissent présager des jeux de lumière assez futuristes.
Un gars, un gars – Le jazz et la techno
Après une demi-heure (!) de retard, les lumières s’éteignent enfin. Seuls, deux projecteurs orangés éclairent la scène au raz du sol, laissant se profiler, façon ombres chinoises, deux silhouettes élégantes, longilignes et masculines. Il s’agit du pianiste de jazz Yaron Herman et du musicien techno Jeff Mills, qui viennent tranquillement prendre place devant leur poste de travail, l’un au clavier d’un piano à queue Steinway de concert et l’autre à sa table de mixage, agrémentée de quelques percussions.

Et la musique s’installe. Celle de Duke Ellington ? Oui, mais pas complètement. Plutôt une quintessence rythmique et harmonique du grand jazzman, distillée, avec précision et finesse, par le duo du moment. Au piano sophistiqué et séduisant de Herman répond la techno chaloupée et précise de jeff Mills, dans un passage de relai incessant très bien coordonné. Chacun rivalise d’effets rythmiques, sous forme de scansions harmoniques chez Herman et de percussions frappées manuellement chez Jeff Mills. L’habillage électro est recherché et raffiné, présent mais pas trop. Leur complicité est parfaite et ils offrent au public une demi-heure de musique mi-improvisée de très haut niveau.
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Un gars, quatre filles – Le classique et le mix
Pour la deuxième proposition, on retrouve un gars aux commande de sa table de mixage mais son allure est différente. Plus compact et roulant des mécaniques, le disc-jockey toulousain Kendal arrive en meneur de soirée. À ses côtés, 4 jeunes femmes, en amples robes très scéniques, portant chacune un instrument à cordes et un archet. Il s’agit des musiciennes du quatuor à cordes Zaïde qui, aussitôt, produisent une sorte de magma sonore, duquel émerge une plainte ascendante du violoncelle, extrêmement vibrante et incantatoire. Kendal s’invite dans ce chaudron musical en ébullition, pour installer un halo sonore assez magnétique, même si parfois un peu pâteux.

L’ensemble, puissant et tellurique, a presque des allures de festival interceltique. Les instruments à cordes frottées se métamorphosent en guitares électriques, chauffées à blanc par les musiciennes du quatuor Zaïde. Des flashs de lumière crues zèbrent l’espace, faisant espérer qu’il n’y a pas d’épileptiques dans la salle. Cela donnerait presque envie de regarder les films (d’horreurs) de John Carpenter, pour retrouver l’univers artistique envoûtant qui a servi de base à cette rencontre musicale d’un soir.
Un gars, une fille – Le chant et l’électro
En contraste, le troisième duo n’est que douceur et tendresse, incarné par le jeune compositeur électro Fakear et la chanteuse lusophone (qui chante en portugais) Mayra Andrade, pour un hommage, pudique et sincère, à la chanteuse cap-verdienne Cesaria Evoria. Mayra Andrade chante la morna avec simplicité et justesse, sans artifices mais avec juste ce qu’il faut de sensualité et de plaisir partagé. À sa table de mixage, Fakear installe une trame instrumentale séduisante et chaleureuse, faite de mille détails composant un tout harmonieux. Le ch’ti et la chanteuse d’origine cubaine, qui, pourtant, n’avaient jamais eu l’occasion de travailler ensemble auparavant, s’entendent à merveille pour communiquer leur amour de la musique de Cesaria Evoria.

Et c’est en douceur que cette soirée se termine, devant un public heureux d’être là. On en oublierait presque la demi-heure de retard au démarrage et les (beaucoup) trop longues entracte entre chaque proposition musicale, sans doute dues aux contraintes techniques d’une captation pour la télévision.
Vous pouvez retrouver ici les saisons 6 et 7 de Variations, avant que cette 8e édition soit en ligne sur france.tv.