COMPTE-RENDU – Dans la petite Salle des Préludes pour son cycle Apér’Opéra, l’Opéra Grand Avignon présente un concert réunissant jour et nuit, en fusionnant musiques dites savantes ou populaires. Le duo “Ma p’tite chanson” donne ainsi et tous deux de la voix, Agathe Peyrat maniant aussi un ukulélé, et Pierre Cussac l’accordéon.
Tombés de la Lune
Après un programme appelé Ma p’tite chanson comme ce groupe, retraçant une histoire de chansons populaires, ce nouveau set intitulé Je chante la nuit fusionne chanson et opéra. Les Pêcheurs de perles deviennent un blues et Tosca est joué à l’accordéon, le tout entre “mélodies savantes” de Fauré, Rameau et Debussy, chansons françaises et pop songs (Danny Boy, Yesterday des Beatles ou Je chante la nuit de Maurice Yvain, parmi d’autres). Autant de titres tournant autour du jour et de la nuit.
Pour se faire une place au soleil
Et en ces périodes de météo si radieuse qu’elle en devient angoissante et semble annoncer encore et toujours une nuit climatique, l’ambiance solaire brille au moins dans cette salle, éblouissant visiblement un public ravi par les morceaux très variés. Quelques interventions de ce duo -qui permettent aussi de traduire rapidement les chansons étrangères- font rire l’assistance de bon cœur. Les chaises deviennent comme des transats, pour se laisser porter au fil de cet agréable programme.
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Pour ce concert, la soprano Agathe Peyrat laisse d’abord sa voix lyrique dans l’ombre. Elle s’approche du micro et, tout en jouant toujours agilement au ukulélé amplifié également, comme pour donner un style plus proche de la variété, elle se concentre sur une lumière vocale blanchie et aplanie. Pourtant, sa technique ne demande qu’à percer au grand jour, avec ce timbre clair et son vibrato naturel, accompagné d’un phrasé délicat pour un chant nuancé. Mais lorsqu’elle monte dans les aigus, c’est le jour et la nuit : son timbre lyrique venant éblouir l’auditoire de sa matière ensoleillée.
Pierre Cussac semble maîtriser son instrument (l’accordéon) depuis la nuit des temps. Son jeu dynamique est constamment éblouissant, mais pour le public : il ne perd jamais de vue la chanteuse. Et si la nuit tous les chats sont gris, c’est l’inverse pour son piano à bretelles qui sait aussi plonger dans une version nocturne de E lucevan le stelle (air de Tosca parlant des étoiles qui se lèvent). La finesse et l’émotion de son interprétation font fondre le public comme la neige au soleil. Il ajoute également son grain de sel avec des interventions chantées pour enrichir le son et le contraste du duo, avec un timbre plus sombre.
Difficile de s’éclipser
Les artistes finissent avec évidence sur le ton joyeux de Charles Trenet : Le Soleil a rendez-vous avec la Lune, mais le public est bien venu, et n’est pas resté dans la lune ! Les artistes sont très chaleureusement applaudis et offrent en retour un bis (une version revisitée de The fool on the hill : qui voit le soleil se coucher) des Beatles. Et comme nous sommes dans un bon jour, une seconde salve d’applaudissements déclenche un pot-pourri auquel le public participe de bon cœur (même dans un anglais tout à fait peculiar).