AccueilA la UnePascal Amoyel, pianiste conteur

Pascal Amoyel, pianiste conteur

COMPTE-RENDU – À l’occasion des 30 ans de la disparition du pianiste virtuose Georges Cziffra, le pianiste Pascal Amoyel redonne, au Théâtre du Montparnasse, son spectacle « Le pianiste aux 50 doigts ». Un seul en scène avec piano, un concert-lecture, un conte musical ? Un peu de tout ça, avec la touche très personnelle de Pascal Amoyel.

Du Liszt et du Chopin, mais pas trop

Sachez tout d’abord que si vous souhaitez entendre un récital consacré à des pièces pour piano de Franz Liszt et Frédéric Chopin, n’allez pas voir le spectacle Le pianiste aux 50 doigts. Si ces 2 compositeurs, qui firent les riches heures du piano romantique, y sont bien présents, c’est sous forme d’ébauches et d’évocations de certains de leurs morceaux. L’essentiel du propos n’est pas là, et c’en est là toute l’originalité : relater, à la manière d’un conte, avec illustrations musicales à l’appui, les jeunes années, ô combien mouvementées, d’un prodige du piano, hongrois de naissance et réfugié en Autriche puis en France à partir de 1956 : György Cziffra.

Le chat et la souris

Pour ce faire, Pascal Amoyel peut compter sur plusieurs cordes à son arc : son sens du récit (il est lui-même l’auteur du texte qu’il porte), ses dons de comédien (ses mimiques et ses changements de tons lui permettent de faire aisément le jeune élève timide, le pianiste hésitant, le professeur sage, le pianiste de jazz américain ou encore le représentant soviétique local) et enfin sa grande aisance au piano, qui vient proposer un jeu de chat et souris assez fascinant entre le Pascal Amoyel récitant et le Pascal Amoyel pianiste.

Forts de tout ça, vous n’aurez qu’à vous laisser porter, en laissant le charme de Pascal Amoyel agir.

Une vie au destin contrarié

Vous verrez alors (ou entendrez) apparaître un apprenti-pianiste parisien frapper à la porte d’un vieux pianiste hongrois, pour lui demander d’être son élève. Le dit pianiste lui racontant sa vie, au destin contrarié à plusieurs reprises, entre l’incorporation de force dans l’armée allemande, au moment de la Seconde guerre mondiale, et l’annexion de la Hongrie par le bloc soviétique.

© Charlotte Spillemaecker
Un piano acrobate

Pour ce faire, Pascal Amoyel glisse habilement, au cœur de son propos parlé, un propos musical, fait de bribes de morceaux connus mais aussi de séquences plus improvisées ou d’effets sonores. Ainsi, pour figurer sa rencontre avec un saltimbanque, se met-il à improviser des musiques de cirque tout en singeant la gouaille de l’acrobate et l’innocence timide du jeune Cziffra. Et parce que Cziffra, jeune père ayant une famille à nourrir, a gagné sa vie en jouant dans le noir pour un café à la vocation un peu particulière, voilà Amoyel qui part dans une séquence assez époustouflante de piano virtuose joué dans le noir le plus complet ! Un joli moment le voit improviser « à la manière de » Rachmaninov, Mozart ou encore du jazz sur Happy Birthday. On le retrouve également frappant en cadence les cordes de son piano avec un maillet, tout en accélérant son propos, pour figurer une locomotive prenant peu à peu de la vitesse, et emportant avec elle un Cziffra apprenti-conducteur !

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Mais le moment sans doute le plus magistral de ce spectacle est celui où Pascal Amoyel parvient à nous figurer Cziffra jouant de l’orgue dans une chapelle emplie de blessés russes, à la demande du médecin, avant qu’une bombe fasse exploser la chapelle, alors que Cziffra venait d’en sortir. La bande-son, jouée en direct par Amoyel, passe alors de grands accords solennels au piano à des déflagrations de notes absolument saisissantes.

Le chat et la souris (bis)

Vous verrez (ou entendrez) également comment Cziffra a su forcer son destin pour ne pas mourir artistiquement, une première fois en désertant de l’armée allemande à bord de la fameuse locomotive, une deuxième fois en cherchant à fuir le bloc communiste, ce qui le condamna aux travaux forcés, et une troisième fois, cette fois-ci victorieusement, en 1956.

Ce spectacle, sensible et beau, Pascal Amoyel se l’est taillé sur mesure, avec ses doigts conteurs et sa voix mélodieuse. Il se donne jusqu’au 17 décembre au Théâtre du Montparnasse, Paris 14e.

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