DANSE – Le Ballet de l’Opéra national du Rhin met en mouvement la musique de Schubert en douze pièces, chorégraphiées par les danseurs s’étant portés volontaires à l’exercice.
Sur scène, une rencontre…
Après Bach, Mahler, Chostakovitch et Mozart, c’est au tour de Schubert d’être confronté à l’imaginaire des danseurs. Les interprètes évoluent avec et autour des peintures de Silvère Jarosson, reportées sur de grands panneaux à échelle de la scène et dont le nombre et la disposition varient tout au long du spectacle au gré des besoins. C’est alors une rencontre qui opère sur scène à plusieurs échelles : entre différents domaines des arts, différents univers stylistiques et différentes époques.
La musique, en corps (©Klapisch)
Certains chorégraphes prennent le parti d’adapter l’énergie du mouvement à celle de la partition de manière très littérale. À une musique lente dans la nuance piano correspondent ainsi des gestes calmes et fluides – par exemple dans Double-double de Noemi Coin sur les lieds extraits du Chant du Cygne –, tandis qu’un mouvement agité induit une danse plus nerveuse, faisant intervenir sauts et mouvements saccadés – comme dans Le Temps d’une bise, ou le deuxième mouvement du Quatuor à cordes en Ré mineur issu de La Jeune Fille et la Mort inspire à Pierre-Émile Lemieux-Vienne la chorégraphie d’une bagarre.
Deux hommes, une femme : le romantisme à l’épreuve du présent
Le romantisme caractéristique de l’œuvre de Schubert est incarné dans des danses de l’amour et du couple, qui pré-dominent à la plupart des créations. La chorégraphie de Julia Weiss, par exemple, s’insère par petites touches dans l’œuvre globale qu’elle ponctue de scènes de la vie conjugale, interprétées par un danseur et une danseuse. Dans un autre style, Cauê Frias prend au mot le thème de la soirée en actualisant le romantisme à l’aune des possibilités que lui offre le XXIe siècle : il introduit sur scène la question de l’hétéronormativité du couple, qu’il traite dans une chorégraphie pour deux hommes et une femme.
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Schubert dans le corps, dans la voix et sous les doigts
Les pièces écrites pour piano seul sont interprétées par Maxime Georges, pianiste-répétiteur du Ballet de l’OnR. Son jeu attentif fait honneur à la musique de Schubert sans se laisser emporter par ses élan romantiques. Il faut garder le tempo ! Il partage le clavier avec Hugo Matthieu, pianiste de l’Opéra Studio, qui accompagne le chant dans les Lieder, trouvant sa juste place par rapport aux voix, qu’il porte sans jamais les envahir.
Le baryton Bruno Khouri semble porter une attention toute particulière au texte, notamment dans le très bavard Roi des Aulnes : il insiste sur les consonnes pour donner du relief à la mélodie et rendre à l’ensemble son caractère pathétique. Bernadette Johns offre quant à elle une interprétation profonde et incarnée d’Auf den Wasser zu Singen (À chanter sur l’eau), avec toute la puissance et l’ouverture de son timbre lors des modulations en majeur. De plus en plus confiante à mesure qu’elle occupe la scène, elle révèle l’étendue de ses qualités vocales et interprétatives dans sa deuxième prestation, Nacht une Traüme (La Nuit et le Rêve).
Ce cinquième épisode du cycle musical du Ballet de l’OnR est accueilli avec grand enthousiasme par un public conquis. Tous les acteurs du spectacle sans exception défilent pour les saluts, sous les ovations des spectateurs les plus enjoués.