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Music in twelve Parts : la machine à arrêter le temps de Philip Glass

CONCERT – Le week-end “Temps suspendu” à la Philharmonie de Paris s’est clôturé par un concert dédié à Philip Glass, dont la monumentale Music in Twelve Parts a été interprétée dans son intégralité par le Philip Glass Ensemble : quatre heures d’hypnose, par lesquelles le père du minimalisme se révèle aussi magicien du temps.

Douze à la douzaine

Le titre de la pièce Music in Twelve Parts renvoie originellement aux douze lignes de contrepoint dans lesquelles est écrite la partition de la première section, qui devait constituer une œuvre autonome. L’anecdote veut qu’à l’issue de sa création, une admiratrice ait demandé à quoi ressembleraient les onze autres parties. Piqué au vif, Phlip Glass la prend au mot. Rien de rigide pourtant, dans cette double douzaine qu’il édifie dans une esthétique de symétrie : les sections s’enchaînent de manière assez fluide (à moins que ne les sépare un entracte, rappelant soudainement à l’auditeur sa condition corporelle oubliée) et les douze voix sont réparties de manière assez fluctuante entre les instrumentistes, qui ne sont pas toujours tous sur scène et ne sont en tous cas jamais douze (trois claviers, deux saxophones, deux flûtes, une chanteuse, un mixeur).

Mutatis mutandis

La force hypnotique de cette musique tient peut-être à ce qu’elle se situe au croisement de deux influences pour le moins hétérogènes : le contrepoint mathématisant, teinté de sérialisme et de dodécaphonisme d’une part ; la musique indienne de Ravi Shankar d’autre part, que Philip Glass transcrit en notation occidentale lors de ses études. La synthèse minimaliste consiste à isoler une micro-cellule et à la répéter de manière plus ou moins variée jusqu’à la limite de résistance de l’auditeur, – limite, précisons-le, jamais atteinte avant le cut magistral de la (non-)fin. La deuxième section, avec sa tierce mineure obstinée, en offre un exemple particulièrement didactique. Mais rebelle à l’esprit de système, Philip Glass transgresse ses propres règles en même temps qu’il les élabore. Dans la dernière partie, l’harmonie se met à changer sans cesse, en une sorte de quodlibet moderniste que le compositeur commente en ces termes : “J’avais enfreint les règles du modernisme, et j’ai donc pensé qu’il était temps d’enfreindre certaines de mes propres règles”.

“Ô temps, suspends ton vol…”

Il y a quelque chose de magique dans ce type d’écriture, probablement dû  au fait que, quand rien ne bouge, le moindre événement acquiert une intensité presque insoutenable. Cela peut faire sourire, mais il faut le croire : un 6/8 qui passe en 10/8, un si bémol qui devient bécarre, une modulation après vingt minutes sur le même accord… Enfoncé dans son siège, entre l’hébétude et l’envoûtement, le spectateur croit sentir toutes les forces telluriques lui traverser le corps. Quatre heures trente de musique s’écoulent ainsi sans qu’on s’en aperçoive. Chapeau au magicien.

À lire également : Sylvain Fanet, « réhabiliter Philip Glass est un vrai sujet »
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