DANSE – Le festival Dance Reflections, organisé par la fondation Van Cleef & Arpels, se déroule cette année à New York. Il reçoit pour l’occasion le Ballet de l’Opéra de Lyon, pour une recréation de Dance de Lucinda Childs. Dans ce partenariat entre les deux côtés de l’Atlantique, on se laisse aller à ce langage d’une nouvelle verticalité, et on (re)découvre la danse américaine avec un ballet français.
Hommage franco-américain
Dance a été créé par Lucinda Childs en 1979, en collaboration avec Philipp Glass pour la musique. Ce ballet s’accompagne alors d’une création vidéo rejouant ce qui se passe sur scène avec une projection simultanée, créée originellement par Sol Lewitt, et retournée en 2016 par Marie-Hélène Rebois dans notre version à l’identique, à son entrée au répertoire du ballet. Cette vidéo reprend des passages dansés, et en ajoute, multipliant les perspectives sur scène. Mais si les perspectives se croisent (géométriquement), les années aussi, faisant des jeux parallèles entre danseurs sur scène et vidéo enregistrée une mise en abyme de l’acte mémoriel en cours.
Dance est une pièce historique, un canon du genre, et les temporalités – 1979, 2016, 2023 – rejouent les attentes des spectateurs de danse contemporaine new-yorkais face à ces jeunes danseurs français. Comme le dit le programme, tout bon « fan de danse contemporaine », doit donc bien être là, car cet évènement est en quelque sorte historique, ou plutôt : redanse l’histoire.
On sourit alors en voyant arriver sur scène Lucinda Childs elle-même, ainsi que Philipp Glass, pour les applaudissements, en se souvenant qu’ils n’habitent en effet peut-être qu’à quelques stations de métro.
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Une femme passa… danser Lucinda Childs à New York
Si Dance est bien une pièce canonique, c’est une pièce canonique d’un genre situé, et pas si facile. Représentant la post-modern dance américaine, on y retrouve ici des motifs répétés presque à l’infini (les fameux « patterns ») tant dans la musique que dans les mouvements des danseurs, suivant un quadrillage bien précis. On retrouve ainsi le plan fondé sur le cardo-decumanus des villes américaines… et de New York.
Les danseurs de l’Opéra de Lyon, et notamment la soliste Noëllie Conjeaud, font ici un travail remarquable de précision, même si l’on remarque peut-être un peu trop « d’attentions » dans leur jeu personnel. Car New York, et la technique de Lucinda Childs, est bien le lieu de l’impersonnel. Dans Dance, on traverse en effet la scène à grande vitesse, comme on marcherait dans Time Square, ou dans les allées du Subway, et les danseurs de Lyon succombent à la tentation (et la tradition !) bien française de la belle danse et de ses subtilités.
Aurait-on tort de ne voir dans Dance qu’une image rapide de la vie (post) moderne ? Peut-être pas. Mais si les racines du post-modernisme sont américaines, celles du modernisme et de la modernité sont bien françaises. Dans cette danse « fugitive », on croise ainsi Baudelaire et ses passantes, comme un hommage au temps que l’on ne peut arrêter, mais que l’on peut aussi refaire à l’infini. Portés par ces danseurs surprenant d’élégance, on s’oublie dans la « foule » de la scène de ce ballet infini, et en « un éclair » c’est presque déjà fini.