ENTRETIEN – Le baroque est son terrain d’expression favori. Surtout s’il s’agit de dénicher des œuvres peu ou pas connues. Le contre-ténor belge Dominique Corbiau conçoit ainsi l’approche de son art : ouvrir la musique au plus grand nombre et mettre en valeur des partitions, parfois plusieurs fois centenaires. Une mission exigeante qui vient notamment de donner lieu à un disque, Vaghi Fiori. Une authentique balade à travers les âges, mais pas seulement.
Votre récent album de cantates italiennes, Vaghi Fiori (Sonamusica) fait la part belle à des pages et même à des compositeurs peu connus du répertoire baroque, tels Giovanni Bononcini, Francesco Mancini, ou encore Giovanni Zamboni. Pourquoi ce choix somme toute très audacieux ?
Initialement, le programme de cet album était prévu pour un festival, dont l’un des fils conducteurs était la nature. Mais le Covid est arrivé et le festival n’a pas pu avoir lieu. Pour antant, j’avais quand même envie d’enregistrer ce programme au disque. J’ai voulu trouver des airs qui font mouche, avec une rythmique dynamique, des couleurs, une sensibilité mélodique. L’idée était aussi de mettre en lumière des compositeurs moins connus. Je travaille beaucoup en bibliothèque, notamment celle du conservatoire de Bruxelles, pour trouver des choses nouvelles, des curiosités. Le répertoire baroque est infini, avec de vrais trésors qui dorment encore dans les archives. Dès que je repère une partition intéressante, j’essaie de voir si elle correspond à ma voix, mon ambitus. Et si c’est le cas, je la retiens. Il y a quelque chose de grisant à redonner vie à certaines pièces qui n’ont pas été jouées depuis des siècles. Cet album est mon troisième en solo, mais le premier enregistré avec l’ensemble instrumental que j’ai fondé il y neuf ans, la Camerata Sferica.
L’une de vos motivations majeures est de rendre le répertoire baroque très actuel, d’en donner une vision plus moderne afin notamment de l’ouvrir au grand public. Comment y parvient-on ?
Le baroque est une musique qui offre plein de possibilités dans le choix des interprétations, dans la manière de réciter les textes. En fonction des interprètes, des voix, des choix rythmiques et mélodiques, on assiste à des recréations permanentes, ce qui fait qu’on peut s’adresser à un public actuel avec ce répertoire ancien. Le baroque, c’est un répertoire très narratif, rhétorique, dans lequel on peut se laisser emporter. On retrouve aussi beaucoup de genres dans le baroque, comme le jazz, avec la présence d’une basse continue et d’une ligne mélodique. Il y a aussi des mélodies très pop, comme chez Bononcini. Porpora c’est déjà plus galant, plus raffiné. Quant à Scarlatti, il a fait de vrais tubes ! En somme, ce répertoire est très populaire, universel, susceptible de fédérer les publics.
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Quel rapport entretenez-vous avec votre voix de contre-ténor, tessiture qui suscite encore beaucoup de curiosité auprès du public ?
Petit, j’apprenais le piano, la flûte traversière et le violoncelle. J’ai découvert la voix de contre-ténor en écoutant le Stabat Mater de Pergolèse, vers l’âge de 8 ou 9 ans. J’ai été fasciné et j’ai décidé de travailler pour avoir cette voix. J’aime son côté mystique, sa pureté, son côté éthéré. Il y a un vrai engouement autour du répertoire de contre-ténor technique et athlétique, qui fonctionne particulièrement bien dans les églises. Mais je veux aussi sortir du carcan de la musique ancienne et du baroque pour aborder un répertoire plus moderne, notamment la musique de film. Cette voix permet la fusion des genres d’hier et d’aujourd’hui. Et elle offre beaucoup de libertés.