DISQUE – Dans quel état d’esprit l’organiste Thomas Ospital, ancien élève de Thierry Escaich, et Christopher Gibert, à la tête du chœur Dulci Jubilo, se trouvent, lorsque le projet d’enregistrer un ensemble de pièces de Thierry Escaich se concrétise ?
Pour le premier c’est probablement un défi, voire une fierté teintée de joie de se dire qu’il est bienfaisant de se fondre dans ces harmonies si délicieuses, pour l’autre c’est peut-être la peur du jugement d’un compositeur bien vivant, à l’écriture très précise, et déjà considéré comme un compositeur et organiste de renommée mondiale.
Et bien voici ce que l’on découvre.
Église ouverte
Les thèmes traités dans les oeuvres proposées (Trois Motets, Verbum supernum prodiens, Messe romane, Offertoire improvisé, Magnificat) sont bien empruntés à la tradition religieuse. Et pourtant, l’univers musical s’en détache dès le premier Motet, avec un texte en Français sur un fond musical évoquant les profondeurs océaniques, tant on est hypnotisé par la lenteur des mouvements harmoniques.
Néanmoins, le genre religieux est nettement plus présent pour le chœur dans le Kyrie de la Messe Romane, avec des commentaires plus contemporains à l’orgue. Le chant de ce Kyrie, comme cela est indiqué dans le livret du disque, se rattache à l’écriture de Maurice Duruflé, à qui Thierry Escaich a succédé aux orgues de Saint-Étienne du Mont à Paris, pendant que l’on pourrait aussi bien évoquer un autre grand organiste qu’était Gabriel Fauré.
Thomas Ospital, en charité
Pas d’orgue sans bonne improvisation, et notamment celle de l’organiste avec les versets improvisés du Magnificat. Mais également une improvisation sans filet thématique, genre que tous les organistes affectionnent, que ce soit Thierry Escaich, Olivier Latry, Jean-Pierre Leguay, et ici Thomas Ospital. Intitulée Offertoire improvisé, c’est autant pour découvrir le charme des sonorités inhabituelles de l’orgue, aux multiples combinaisons de registres qui le métamorphosent, que pour s’étonner de la proposition musicale tentaculaire qui n’est pas sans rappeler certains fonds sonores dans X Files ! Pour Thierry Escaich, qui a déjà improvisé sur un thème de Game of Thrones, avec une habile dose d’espièglerie, c’est peut-être même un clin d’œil !
Dulci Jubilo : l’équilibre au choeur
Caution fondamentalement sérieuse, le choeur, enregistré en quatre voix séparées, en équilibre de nuance par rapport à l’orgue, assume les Trois Motets et la Messe Romane avec soin, clarté et dynamisme.
Pour donner le change à l’orgue, un hymne grégorien, Verbum Supernum Prodiens, est chanté par le choeur seul, laisse un grand espace à la réverbération de l’église Saint-Eustache de Paris.
Une diversité de styles figure dans cet album, et nul doute que chacun pourra y piocher ce qui lui plaira le plus. Attention cependant à éviter la dépendance, notamment avec le Magnificat!
Pourquoi on aime?
- Un disque tout en progression, qui varie différentes stylistiques
- Parce qu’Orgue et Choeur ne signifie pas forcément « musique datée ».
C’est pour qui?
- Pour les curieux de musique contemporaine, mais aussi pour rentrer dans l’univers de la musique religieuse.
- Pour les admirateurs de performances musicales, à l’orgue et au choeur
- Pour les mélomanes qui ferment les yeux et qui se font des films, à l’écoute de cette musique propice à l’envol de l’imagination !