CONCERT – Alors qu’il vient de récolter les lauriers de la critique (sauf chez certains collègues un peu tristounets) avec les Vêpres de Monteverdi, paru en septembre, l’ensemble Pygmalion se lance dans un nouveau programme Bach qui le mènera à la colossale Messe en si au printemps. Cet appendice au Chemin de Bach de la saison dernière passait par Bordeaux, en début de tournée. Récit d’une fête réussie entre admirateurs, chez un ami commun : Raphaël Pichon.
Vous aussi vous avez un album, un titre ou un artiste auquel vous revenez tout le temps ? Mais si, vous savez, quand vous êtes devant la barre de recherche de votre Player et que vous ne savez pas quoi écouter ? Et bien pour Raphaël Pichon, chef et fondateur de l’Ensemble Pygmalion, la solution à la panne d’inspiration tient en quatre lettres : B.A.C.H. Facile à taper, facile à retenir…
Huit disques, des programmes originaux à la pelle et une avalanche de concerts, le Jean-Sébastien le plus connu de la bande baroque occupe une bonne grosse part de la bande passante de Pygmalion. Et quand il est question de fêter les 20 ans de l’ensemble, Raphaël Pichon lâche un scoop qu’on aurait dû voir venir : c’est au pays de Bach que ça va se passer ! Ça vous suffit les fans ?
On en rajoute ? Ok.
Bacchanale
Et si on vous disait que la tournée du programme Temps et éternité vient de démarrer à Bordeaux ? Et si on vous disait que ce programme, plus léger que la dernière somme en trois tomes des Chemins de Bach est une grande fête ? Une célébration du génie de ce compositeur hors-norme, qui produisait des cantates comme on va au marché : tous les dimanche, et sans réfléchir. L’avantage avec les cantates de Bach, c’est qu’il y en a tellement que quelque part, on a toujours l’impression d’en dénicher une nouvelle…
À lire également : Quatre ans après sa première Passion, Pygmalion garde la flamme
Pour autant, la fête commence très mal. Sur le mur de fond de l’auditorium, le premier texte de la soirée affiche : “C’est avec des pleurs qu’elle commence, cette vie pitoyable”. Aïe… Oui mais voilà, cet aria qui ouvre le concert permet de retrouver la marque de fabrique de la bande à Pichon. Les concerts de Pygmalion s’ouvrent toujours sur un silence troublant d’où émerge un a capella magique. Le chef ouvre les mains, et le chœur susurre à nos oreilles un son familier qui rassure et nous met dans un état d’écoute intense et immédiat. On est à la maison. Première endorphine.
Pâques to Bach
É(sté)thique protestante oblige, ce n’est qu’après une méditation intense sur le drame de l’existence et la vacuité de nos sentiments que la fête peut commencer. Un carnaval de musique où l’orchestre envoie trait après trait les explosions virtuoses d’un style foisonnant (Vivaldi es-tu là ?), où les solistes défilent, tous aussi musiciens les uns que les autres et où le geste d’un Raphaël Pichon rarement aussi physique embarque sa troupe dans un torrent continu, en lui laissant à peine ce qu’il faut de temps pour reprendre son souffle.
Si on devait relever un événement musical dans cette soirée, c’est le début de la cantate BWV 110, Unser Mund sei voll Lachens (que notre bouche s’emplisse de rires). On entend littéralement des rires dans l’écriture de Bach ! Et vous savez quoi ? On les entend aussi dans la façon dont a travaillé le chœur pour les restituer. Ça a l’air bête comme ça, mais écoutez d’autres versions de cette cantate par d’autres ensembles, et vous verrez…
Ce détail, et tant d’autres, nous confirment bien ce qu’on savait déjà : Pygmalion a une passion pour Bach, et comme beaucoup de passionnés, ils sont aussi assez passionnants… Rendez-vous à Pâques pour la messe en Si !
Pygmalion, Pichon, Richardot, Kilby et tous les autres viennent de nous enchanter ici à Vienne en Autriche, au Konzerthaus avec Bach. Magique. La salle fut enthousiaste. Pygmalion enfin connu du grand public. Il était grand temps.