CD – L’ensemble Pygmalion, sous la direction de Raphaël Pichon, interprète les motets de Johann Sebastian Bach et sa Passion selon saint Matthieu. Et n’a rien perdu de sa ferveur.
Bach et Pygmalion sont des mots qui vont très bien ensemble. Chacun des enregistrements que cet ensemble d’excellence a consacré au compositeur allemand a été une réussite unanimement saluée.
Et, chose rare dans un monde moderne qui ne connaît pas la lenteur, son chef et fondateur Raphaël Pichon a pris le temps pour aborder les monuments de Bach. Il aura fallu attendre dix ans (entre 2006 et 2016) pour qu’il ose s’attaquer à la Passion selon saint Matthieu. Une modestie que ceux (dont nous sommes) qui suivent Pygmalion depuis ses débuts ont su comprendre. Depuis quatre ans maintenant, notre patience est récompensée et chaque occurrence d’un programme Bach est un étalon qui nous permet de mesurer la forme et la vitalité de l’ensemble, comme nous le faisons avec nos athlètes préférés à chaque olympiade.
Car il faut bien le dire, l’épuisement est un mal qui guette aussi bien les sportifs que les artistes, surtout lorsqu’ils écument les grands rendez-vous internationaux comme le fait Pygmalion. Les amoureux de la “patte Pygmalion” peuvent par moment guetter une forme de lassitude chez ce collectif rompu aux honneurs, sans que l’on sache s’il s’agit d’une vraie baisse de régime, ou simplement de l’inévitable routine qui s’installe dans toute relation une fois l’idylle passée…
À ces deux métaphores, l’une olympique et l’autre amoureuse, ce disque paru le 25 septembre répond en ravivant la flamme ! Aux premiers accords du choeur, force est de constater que la magie opère encore. Les chanteurs dans leur ensemble manient toujours aussi bien la langue de Bach, plus peut-être que celle de tout autre compositeur. Les souvenirs de la Passion selon Saint Matthieu sont toujours bien vifs dans la façon d’aborder les phrases, de faire entendre les jeux de tension harmonique, chose permise par la qualité première de l’ensemble : son homogénéité.
C’est pour qui ?
Les inconditionnels de Bach trouveront dans la lecture du livret des informations intéressantes et auront plaisir à écouter le disque en suivant les paroles pour percevoir dans les inflexions des voix de véritables partis pris d’interprétation. Mais la grande force de ce disque réside dans sa faculté de s’adresser aussi bien au spécialiste qu’au néophyte. L’oreille baladeuse venue simplement pour picorer trouvera son compte dans le découpage en pistes courtes. Il en sort une impression de grande variété, renforcée par l’interprétation vive et multicolore d’un ensemble, visiblement bien inspiré et toujours en phase avec son temps. Trop souvent Bach fait figure d’épouvantail et c’est bien dommage car, des mots même de Raphaël Pichon, sa musique a “le pouvoir absolu d’émouvoir tout autant que de convaincre”. Nous sommes convaincus.
Pourquoi on aime
- Parce que c’est un concentré de ce que l’on préfère chez Pygmalion : son chœur.
- Pour le moment de grâce de la piste 14 (Gute nacht o Wesen). S’il fallait n’en écouter qu’une…
- Parce que l’ensemble se donne un second souffle avec un retour à ses premières amours.