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Le « Glenn Gould islandais » à Paris

CONCERT – Le week-end Bach solo à la Philharmonie de Paris s’est terminé ce lundi par Les Variations Goldberg, sous les doigts de Víkingur Ólafsson : une interprétation sobre et expressive, tout autant à l’honneur du pianiste islandais que du Cantor de Leipzig.

Un interprète éclipsant sa propre musique

C’est une personnalité artistique bien trempée qui s’assied ce soir devant le Steinway de la Salle des Concerts de la Cité de la musique. Víkingur Ólafsson se fait connaître en enregistrant des œuvres de Philip Glass, puis consacre un disque à Bach, passe par la musique française en alliant Rameau et Debussy, avant de revenir à Bach : choix éclectiques, rapprochements audacieux, goût sans faille. Ce pianiste, qui a su conquérir la scène internationale aussi bien que le public des réseaux sociaux, monte sur scène sans aucun artifice. Mais une fois au piano, quel danseur ! Son corps entier semble mû de l’intérieur par la musique que ses doigts exécutent. Il se couche contre le clavier, frappe du pied en mesure, dirige de la main droite, à la façon d’un chef d’orchestre, ce que la main gauche est en train de jouer. Entre l’instrument et l’interprète, on perçoit un lien sensuel, presque animal. Plaisir des yeux autant que des oreilles.

…ou une musique éclipsant tous ses interprètes ?

En choisissant Les Variations Goldberg, après Glenn Gould et après tant d’autres, Víkingur Ólafsson adopte pourtant une posture modeste. Il se refuse le plaisir du bis, au motif que les Goldberg constituent un cycle dont on ne peut isoler et extraire un élément. A la place, il prend la parole pour exprimer sa gratitude d’être payé pour jouer la musique qu’il aime, pendant que tant d’autres souffrent de guerres et de privations. Sa manière d’interpréter l’aria initiale, sans aucune pédale et avec une ferveur quasi mystique, montre que peu lui importe de céder la première place. C’est au compositeur que ses doigts rendent hommage, dans un rapport filial presque religieux. Mystérieuses Variations Goldberg… écrites pour un prince insomniaque, « à l’intention des amateurs, pour la récréation de leur esprit », elles n’ont pas fini de fasciner.

À lire également : Víkingur Ólafsson, Mozart et compagnie

L’auditeur se laisse généralement bercer par l’alternance de mouvement vifs et lents, qui fait parcourir toute la palette des émotions. Mais il est souvent loin de soupçonner les élucubrations contrapuntiques sur lesquelles repose l’édifice. Ces trente-deux variations offrent un condensé de genres et de styles ainsi qu’une architecture polyphonique dont la simple écoute ne permet guère d’embrasser toutes les dimensions. Plaisir de l’esprit comme de l’oreille. Humilité du compositeur aussi, qui accepte que, de tout ce qu’il a conçu, l’essentiel reste inaudible : tout comme Ólafsson, Bach semble faire signe vers au-delà de lui-même.

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