CONCERT – Le jeune prodige Tarmo Peltokoski dirigeait un concert tripartite à la tête de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse (ONCT) : Concerto pour Violon d’Arnold Schoenberg interprété par Renaud Capuçon, Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss et l’ouverture des Maîtres Chanteurs de Nuremberg de Richard Wagner. Un beau programme pour une prise de fonction !
Splendeurs visionnaires : ainsi s’intitule le concert de prise de fonction du directeur musical de l’ONCT, le prodige Tarmo Peltokoski, âgé seulement de… 22 ans ! Ce concert s’articule (et justifie ainsi son titre grandiloquent) autour du personnage de Friedrich Nietzsche, dont l’influence va bien au-delà de la simple philosophie et aura grandement inspiré les compositeurs germaniques. Philosophe et compositeurs visionnaires, se retrouvent autour des notions d’« Apollinien » (ordre, clarté, mesure) et de « Dionysiaque » (fougue, instabilité, sensualité).
Visions de Schoenberg
Renaud Capuçon ouvre avec le bal avec ce concerto virtuose (« j’aurais besoin d’un sixième doigt ! » se serait exclamé le violoniste de la création) sous l’égide du dodécaphonisme et cette esthétique si typique de Schoenberg, révolutionnaire à son époque et déroutant parfois encore le public. C’est une performance magistrale qui se déploie en 3 mouvements où Renaud Capuçon montre une profonde compréhension et une grande maîtrise de cette œuvre complexe : il est impeccablement précis dans son interprétation et ses intentions, son corps est la prolongation de son jeu : il suit parfaitement la musique et change d’appui, se suspend sur une jambe, se retrouve sur la pointe des pieds dans les moments plus doux et suspendus ou prend une posture digne d’un violoniste rock dans les passages les plus puissants de la partition ; une quasi-danse asses captivante !
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La partition de Schoenberg est parfois difficile à appréhender musicalement, mais la richesse des nuances et des contrastes, des moments profondément déconstruits, entrecoupés de grandes envolées lyriques, accroche par sa dramaturgie et envoûte par ses couleurs déroutantes. Le dernier mouvement s’achève de façon impressionnante : un solo endiablé, achevé par un immense coup de cymbale et suivi par le retour de l’orchestre.
Tarmo Poltokoski dirige avec détente, finesse et précision et pousse les nuances de l’orchestre à leurs extrêmes. Les applaudissements sont généreux, suivis d’un bis de Renaud Capuçon amorçant la deuxième partie du concert :Daphné, une étude pour violon de Richard Strauss, toute en mélodieuse finesse.
L’oracle Zarthoustra
Ainsi parlait Zarathoustra, célébrissime poème symphonique de Richard Strauss dont le premier « tableau », popularisé par 2001 : l’Odyssée de l’Espace est reconnaissable entre mille. L’ONCT fait ressortir la puissance, la splendeur de l’œuvre et son lyrisme débordant, aussi bien dans des forte jouissifs, remplissant la Halle au Grain, que dans des piani sensibles. Expérience sublime que de sentir l’orchestre tout entier se donner et jouer pleinement, la force de cette énergie émise et partagée… Offrant une immense palette de couleurs et de nuances, c’est un grand voyage -on oublie parfois que l’œuvre complète fait environ trente minutes- très apprécié du public !
Les applaudissements sont généreux, et après un petit discours en franglais du jeune chef, ce dernier enchaîne vite sur Wagner et l’ouverture des Maîtres Chanteurs de Nuremberg. Dix minutes d’un lyrisme somptueux (quoi qu’étant le plus « léger » de ses opéras), digne des plus grandes et épiques musiques de film.
Tarmo Peltokoski : vision d’un personnage
Les deux œuvres sont dirigées sans partition par le jeune chef, avec fraîcheur et grande énergie. Du haut de ses 22 ans, le nouveau directeur musical de l’ONCT semble un personnage singulier, détendu, sympathique, respirant la musique et non dénué d’un certain sens de l’humour, qui se ressent dans ses gestes, entre petits sautillements dansants et larges mouvements, à la façon de poser sa baguette à la fin du concerto pour violon ou encore dans son discours Franglais : « Bonsoir Toulouse ; first of all, merci d’avoir écouté Schoenberg ! ». Une forme de légèreté dans le personnage, mais sans aucun manque de profondeur ou de gravitas dans la musique, tenant par exemple, par son geste, le silence de toute l’assemblée pendant de très longues secondes à la fin de Ainsi parlait Zarathoustra, retenant l’attention (et la tension) de toute la salle.
Splendeurs visionnaires ? Un nom et un programme de concert assurément prémonitoire pour Tarmo Peltokoski, dont l’avenir s’annonce radieux.
Quelle soirée ! En deux heures ce jeune homme a conquis le public toulousain. A commencer par moi et les amis mélomanes qui m’accompagnaient.
L’héritage de Plasson et de Sokiev est en de bonnes mains.