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Beethoven et Jordi Savall : les maîtres se font une toile

COMPTE-RENDU : chef de file de la musique baroque, Jordi Savall s’allie au Concert des Nations pour faire briller les Romantiques Symphonies n°7 et 8 de Beethoven. 

À l’approche de Noël, Bozar convie son public à un concert empreint d’une profonde intensité. En incitant les bruxellois à explorer les panoramas qui constituent notre « Palais Mental », Jordi Savall, expert en la matière, initie un périple personnel.

Place aux Nations

Le Concert des Nations, sous l’égide inspirée de Jordi Savall et de sa défunte épouse Montserrat Figueras se fait écho vivant de l’histoire musical. Fondé en 1989 lors de la préparation du projet Canticum Beatae Virgine de Marc-Antoine Charpentier, l’ensemble instrumental s’est donné pour mission de faire revivre le répertoire allant du Baroque au Romantisme, de 1600 à 1850. 

Jordi Savall © Wikimedia Commons

Le nome de l’ensemble est emprunté à l’œuvre Les Nations de François Couperin, symbole de l’union des styles et d’une vision européenne unifiée sous l’égide du siècle des lumières. Composé de spécialistes aux origines principalement latines (France, Italie, Portugal, Espagne et Amérique latine), l’ensemble a tracé un sillon distinctif dans l’univers de la musique baroco-romantico-classique au services des opus de Charpentier, Bach, Haydn, Mozart, Haendel, Marais, Arriaga, Beethoven, Purcell, Dumanoir, Boccherini, Rameau ou Vivaldi. 

À lire également : Beethoven par Jordi Savall, un retour aux sources

Pour les amoureux du cinéma, l’ensemble avait accompagné, sous la direction de Jordi Savall, la bande originale du film Tous les Matins du Monde, servant la partition du Jean de Sainte-Colombe et son élève brillant, Marin Marais. 

Balade musicale

La Symphonie n°6 de Ludwig van Beethoven (1805-1808), communément appelée « La Pastorale », se distingue par son romantisme exacerbé, et pourtant serein et naturel. Accord parfait entre nature et culture, la notion de paysage est nourrie par le désir d’en faire un monde. Tandis que Beethoven composait la Symphonie Pastorale, Caspar David Friedrich peignait sa série des temps de la journée avec ici l’Après-midi  et Le Soir (quelques années plus tard en 1821).

David-Gaspard Friedrich, « Le Matin »

expression du sentiment, plutôt que peinture

Beethoven, à propos de sa Pastorale

Connu pour ses compositions puissantes et émotionnellement chargées, Beethoven a tissé dans la Pastorale une réseau harmonieux au service de la beauté simple, se démarquant ainsi de ses œuvres antérieures. Pacifique, contemplative, la pastorale s’ouvre avec un Allegro ma non troppo « Éveil d’impressions joyeuses en arrivant à la campagne ». À travers ses cinq mouvements, la Pastorale peint un tableau vibrant : une campagne, un ruisseau, des paysans et finalement d’une tempête orageuse, plus vraie que nature. Dépourvue de toute prétention littéraire ou autobiographique, la musique cherche à rendre la gratuité de la beauté naturelle, directe et totale, comme une balade.

Sous la direction de Jordi Savall, La Pastorale est rendue avec la précision d’une toile de maître. Tenue en élévation, la partition semble clarifiée en ouverture, naturellement complète et d’une grande amplitude avant de rejoindre la colère de tempête avec l’Allegro (Gewitter, Sturm). Les cordes flottent et les percussions martèlent : climax de couleurs.

La n°7 : noble art

Coïncidant exactement avec la n°8 (comme les n°5 et 6), la Symphonie n°7 de Beethoven diffère de la première partie de concert. Reconnue pour son caractère rythmé et cyclique, elle est plus abstraite, moins picturale. 

Surnommée « apothéose de la danse » par Wagner, le rythme invite au mouvement, particulièrement l’Allegretto, connu pour son côté funèbre, plaçant l’ensemble de l’œuvre sous le signe du mouvement corporel. Enlevée, noble et pleine de ferveur, la partition emporte l’auditoire. La Symphonie n°7 fait partie de ces opus marquants dont le spectacle se poursuit sur les visages de l’auditoire. Les yeux fermés, les mains sur le visage, parfois quelques larmes, il semble difficile de s’opposer à l’harmonie émotionnelle que Beethoven produit. Ovationné par le public, Jordi Savall et le Concert des Nations offrent en bis l’Allegretto de la n°7.

Dernière recommandation cinématographique dont la bande originale est marquée par la n°7 de Beethoven : The Fall, par Tarsem Singh. Trop souvent méconnu du grand public, ce bijou cinématographique est à voir !

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