JEUX VIDÉO – C’était une ambiance fort différente de celle des salles parisiennes historiques qui régnait le 13 janvier 2023 Porte Maillot. Et pour cause : quelques milliers de gamers passionnés, venus écouter la bande-son de leur jeu-vidéo préféré, Elden Ring, exécutée en live par l’Orchestre et le Chœur Colonne. Nos impressions sur une soirée aux accents épiques, en première mondiale.
Elden Ring : Kesako ?
Elden Ring est un jeu vidéo édité par Bandai Namco Entertainment et développé par le studio japonais FromSoftware, auquel le monde de l’héroic fantasy devait déjà plusieurs excellents jeux (Bloodborne ou la série Dark Souls). À chaque fois, c’est la même affaire : un monde désolé, rongé par un mal mystique et peuplé de créatures fantastiques. Difficile, le jeu se présente comme un action-RPG (type de jeu de rôle), rempli de pièges et de secrets, que le guerrier – appelé ici « Sans-éclat » – devra apprendre à connaître pour triompher des forces maléfiques qu’il rencontre et restaurer l’ordre cosmique.
La victoire de la musique
Dans les premiers jeux FromSoftware, le joueur n’entendait souvent de musique qu’au cours des combats de boss : dans ces moments de tension par excellence, au cœur du charme typique de ces jeux, l’écriture musicale avait un rôle de cristallisation de l’intensité dramatique. Avec Elden Ring, un défi supplémentaire se manifestait : le jeu étant conçu en monde ouvert, il fallait cette fois imaginer des pistes de simple ambiance sonore (destinées à illustrer l’atmosphère des différentes régions du monde de l’Entre-terre). Le concert était intelligemment construit, puisqu’il proposait 12 suites, 6 par acte, chacune faisant se succéder une piste d’ambiance et un combat de boss. Quelques titres pour vous donner le ton : Margit, the Fell Omen, Rennala ; Queen of the Full Moon ; Nokstella Eternal City.
Si vous vous posez la question : oui, ce jeu vidéo a toute sa place dans nos colonnes. Elden Ring, comme ses prédécesseurs (et, on vous l’accorde, à l’inverse sans doute de certains jeux moins poétiques), se fend d’une bande-originale extraordinaire. Les compositeurs du studio FromSoftware (ici, Yuka Kitamura, Shoi Miyazawa, Yoshimi Kudo, Tai Tomisawa et Tsukasa Saito) connaissent très bien leurs classiques et sont des génies de l’écriture orchestrale. On trouvera des complaintes néo-romantiques ainsi que des tutti épiques, en passant par des moments plus atonaux, qui suffisent à créer un effet troublant d’inquiétante étrangeté.
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Couvrez cet écran que je ne saurais voir
Overlook Events, aux commandes de la soirée, proposait à son public une expérience immersive, et c’est ici que les choses se compliquent un peu. La promesse étant celle d’une « aventure symphonique », l’expérience musicale était complétée par un écran, des hauts parleurs et des jeux de lumières. Pendant plus de deux heures, des séquences in-game ont donc été projetées, exactement comme si le public était en train de jouer à Elden Ring dans son salon. Sauf qu’il y a un mais (et même deux).
- Pour commencer, peu de joueurs ont dû se reconnaître dans le gameplay qu’on leur donnait à voir. Le montage proposait en grande partie des combats de boss diffusés au ralenti, avec des mouvements de personnage souvent invraisemblables et des cuts assez peu cohérents.
- Le deuxième problème découlait du précédent : les images étaient si étonnantes pour un public expert, l’écran et les bruitages si envahissants, qu’on en venait presque à oublier que la musique était exécutée en direct sur scène, et non simplement diffusée via un enregistrement – à moins de fermer les yeux ou de détourner le regard, ce qui n’était pas le but de cette soirée.
Le rappel, à la fin de ce quasi ciné-concert, nous a conforté dans cette impression : une image fixe, ou à la limite un sobre diaporama de quelques artworks choisis avec soin, auraient illustré à merveille une musique qui se suffit à elle-même, et que les musiciens et choristes de l’orchestre de Colonne ont exécutée avec brio. C’est pourtant sur une note positive que nous conclurons : car il est toujours réjouissant de voir que les codes de la musique classique imprègnent des supports culturels que d’aucuns jugeraient trop peu intéressants, alors qu’ils peuvent émouvoir jusqu’aux larmes un public si important.