CONCERT – l’Orchestre National du Capitole de Toulouse dirigé par Kazuki Yamada donne un concert intitulé « marbre et lumière » opposant romantisme français et modernité hongroise. Il accueille les solistes invités Timothy Ridout à l’alto et Michel Bouvard à l’orgue.
L’avant match
Le stade Halle aux grains est complet pour cette soirée qui s’annonce prometteuse. Les supporters connaissent le coach Yamada qui vient régulièrement entrainer avec succès l’équipe orchestrale locale. Avant l’arrivée des compétiteurs poids lourds, on s’échauffe avec une partition d’un compositeur du terroir : la suite Masques et bergamasques de Gabriel Faure (que Kazuki Yamada a par ailleurs enregistré avec l’orchestre de la Suisse romande). L’orchestre bien coordonné l’interprète avec rondeur et légèreté. Le volume est modéré et il est mis juste ce qu’il faut de contraste. La salle commence à chauffer avec la pastorale finale qui souligne les mélodies de la harpe et installe une joute amicale entre les bois et les cordes.
Premier round : un point pour Bartók
Les concertos pour alto sont relativement rares. Béla Bartók en composa un peu avant sa mort, largement terminé par Tibor Serly. Il concourt aujourd’hui avec le joueur anglais Timothy Ridout dont le coup d’archet est aussi rapide et puissant que le coup droit de Mike Tyson. La technicité du concerto (que l’altiste dédicataire avait demandé au compositeur de pousser au maximum) ne semble lui poser aucune difficulté et l’exécution est impressionnante. En termes de style, le jeu est démonstratif. On fait vibrer les cordes comme on montre les muscles, quitte à verser dans l’inélégance. Loin d’atténuer les dissonances de la partition de Bartok, Timothy Ridout prend au contraire le parti de les accentuer.
Mais le concerto est avant tout un sport collectif. L’orchestre poussé par Yamada révèle intrinsèquement une vraie cohérence et envoie des nuances bien senties qui font mouches notamment dans les crescendos ou lors des vifs motifs inspirés du folklore tzigane au dernier mouvement. L’avancée est rythmiquement coordonnée à celle de l’alto soliste, par contre la cohérence des intentions entre les deux entités est inégale. La subtilité de l’orchestre tranche parfois un peu trop avec la grandiloquence de l’alto même s’ils tendent à l’union synergique dans de nombreux passages, en particulier au cours du dernier mouvement. Timothy Ridout est vivement applaudi et donne en rappel un extrait de sonate d’Hindemith exécuté avec une rapidité aussi extrême qu’Usain Bolt sur la piste du cent mètres, ainsi qu’un des duos pour deux violons de Bartók en compagnie de Jaewon Kim premier violon de l’orchestre.
Victoire par K.O. pour Saint Saëns
Vient ensuite l’épreuve reine, celle qui a probablement ramené le plus de supporters : la symphonie n°3 « avec orgue » : l’apogée de l’œuvre de Saint-Saëns de ses propres mot, et même peut-être plus largement celle du romantisme français. Elle réunit tous les ingrédients chers au compositeur : l’opulence orchestrale, l’envoutement harmonique, le développement des motifs et ses deux instruments de prédilection (orgue et piano). Autant d’éléments qui pourraient courir dans tous les sens sans l’arbitre Yamada, à qui ces fresques monumentales semblent convenir à merveille (et qui connait bien l’œuvre pour l’avoir aussi enregistré avec l’orchestre de la Suisse Romande). Il extrait l’essence de cette symphonie, la distille et en déverse au public un élixir aussi puissant que gouteux. Dans la première partie, le jeu est équilibré. On joue ensemble. On se fait des passes. La balle rebondit des doubles croches de cordes aux doubles croches de bois. L’orgue englobe le match sans forcer sur le volume. De légers flottements sont perceptibles dans les dribles (certes exigeants) des cordes frottées mais rien ne mettant sérieusement en danger le match.
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Il sera définitivement gagné à la seconde mi-temps où les accords de Michel Bouvard balaient tout sur leur passage suivis par l’orchestre qui s’engouffre avec force dans l’espace créé. Les nuances progressent dans un volume élevé, mais qui s’ajuste entre les pupitres pour permettre la pleine expression de chacun. Cette vague inarrêtable bouleverse le public d’un tsunami d’émotions et de vibrations, le mettant dans un délicieux K.O, où il n’aura pas manqué d’apercevoir quelques étoiles.
Demandez le programme !
- G. Fauré – Masques et Bergamasques, suite d’orchestre, op. 112
- B. Bartók – Concerto pour alto, sz. 120
- C. Saint-Saëns – Symphonie n°3 « avec orgue » en ut mineur, op. 78