CONCERT – Dans le cadre de son festival de cinéma muet « SYNCHRO », dédié au ciné-concert, la Cinémathèque de Toulouse noue un partenariat avec l’Orchestre National du Capitole pour faire revivre le film muet Sportif par amour, de Buster Keaton, avec la musique de Timothy Brock interprétée en direct.
Buster Keaton sur le podium du cinéma muet
L’histoire est simple : Buster Keaton (également réalisateur du film) incarne un introverti, médaillé au tableau d’honneur pour ses études mais complètement incompétent en sport, jusqu’à ce que Mary Haines, dont il est follement épris, lui confie qu’elle préfère les sportifs aux intellectuels. Il s’efforce alors à toute une série de sports différents, enchainant les échecs et les déceptions mais sous le regard affectueux de Mary qui finit par tomber tout de même dans ses bras et y reste pour la vie à la fin du film.
Timothy Brock médaille d’or de la composition
Comme beaucoup de films muets de son époque (1927), les partitions destinées à accompagner en direct les projections de Sportif par amour (ou College en anglais) n’ont pas été conservées. Heureusement, Timothy Brock, mélomane passionné et spécialiste du film muet dont il restaure voire écrit les partitions, s’est penché sur la question et en a proposé une nouvelle. Comme pour l’ensemble des travaux de Brock, elle n’est bien sûr pas le fruit du hasard mais celui d’un travail de recherche et d’une expérience affirmée en la matière. La partition se veut donc dans le goût de l’époque et conforme à ce que le public d’antan aurait pu entendre. La musique est très rythmée sur l’ensemble du film par les percussions et les cuivres. Elle s’adapte efficacement aux changements de scènes et d’ambiances souvent rapides, liés au genre burlesque du film. On passe ainsi en un instant de l’introspection du personnage à l’agitation du campus, d’un violon mélancolique à un tutti étincelant de métallophone et de gammes de harpes…
Mais la particularité de la musique de cinéma muet, c’est qu’en plus des toiles veloutées de fond, s’ajoutent tout un tas de détails faisant vivre le film. Ils sont retranscrits pertinemment par le compositeur : un violon solo qui mime une voix, les nombreux bruitages par les percussions tels que le bruit du shaker se fermant pour préparer un milk-shake, la batte de baseball frappant la balle ou encore l’éoliphone intervenant sur la scène de pluie au début du film, etc. Timothy Brock dirige lui-même sa partition à la tête de l’orchestre du Capitole.
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L’Orchestre National du Capitole champion de l’interprétation
L’orchestre du Capitole relève vaillamment le défi car en plus de suivre la partition, il faut suivre le film ! Un bruitage qui tomberait trop tôt ou trop tard ne servirait à rien. Fort heureusement ils sont guidés pour cela par le chef qui connait le film sur le bout des doigts et tout tombe à l’instant précis, de même que les transitions. Dès les premières mesures du générique, l’orchestre lance joyeusement le film et plonge le public dans son ambiance quelque peu rétro, mais qui n’a pas pris une ride.
Chaque couleur ressort, y compris dans les sous-titres écrits, où l’orchestre s’adapte instantanément à l’émotion de chaque phrase. Même la matière des objets semble ressortir, comme les tintements du piano qui illustrent la médaille d’honneur dorée au début du film. Les solos sont très expressifs, en particulier ceux de la première violon Chiu-Jan Ying, particulièrement impliquée. Enfin on retrouve le talent de l’orchestre pour tisser le velouté de textures plus romantiques qui englobent les scènes dans un écrin chaleureux.
Le public, assez jeune et comprenant pas mal d’enfants, est très enthousiaste tout au long du film et on y entend des rires sincères et fréquents. Les artistes sont d’ailleurs très applaudis dès la fin du film.