Cinquante nuances de percussions

CONCERT – L’Orchestre National du Capitole de Toulouse propose à la Halle aux Grains un concert « Happy Hour » consacré aux percussions. Il est dirigé par Aurélien Hadyniak et animé par Christophe Dewarumez. 

Que nos lecteurs les plus échauffés à la vue du titre se refroidissent tout de suite : seules des timbales, grosses caisses, vibraphones, objets détournés, marimbas, tam-tams, cymbales, et autres toms ont été frappés pour le concert. Le public prend par contre indéniablement son pied dans cette vaste partie fine de percussions. Elles sont prises sous toutes leurs formes : frappées ou frottées, de baguettes aux nombres et formes diverses, par un ou plusieurs percussionnistes chacune… Il y en a pour tous les plaisirs on vous dit !

Des amours innocentes de Daphnis et Chloé à l’ambiance Caliente des plages mexicaines

Si le parterre de la Halle aux Grains est rempli d’instruments, seulement quinze percussionnistes sont présents en plus du chef : les six titulaires de l’orchestre*, renforcés d’autres en provenance de l’Institut Supérieur des Arts et du Design de Toulouse ou contacts des musiciens. Les instruments sont donc utilisés séquentiellement et jamais tous en même temps. Pour ceux qui aiment le plaisir en grand nombre, les percussionnistes se réunissent tous pour ouvrir le concert avec un arrangement de la suite n°2 de Daphnis et Chloé de Ravel. Aurélien Hadyniak, le Christian Grey de la soirée, en fait ressortir les progressions et les nuances dans le volume ainsi que les variations rythmiques (quitte à parfois exagérer les cassures qui ne peuvent ici être compensées par le fondu des dernières notes de cordes ou de bois).

La frénésie des baguettes rend le spectacle visuel quasi hypnotique et contribue à donner à cette interprétation une impression d’apesanteur. L’ensemble finit aussi au complet pour jouer le Danzon n°2 du compositeur Arturo Marquez. Il transporte le public sur la chaleur des plages d’Amérique Latine un soir d’été et en fait ressortir toutes les couleurs avec un orchestre texturé et marquant les temps sans trop en faire. Il ne manque qu’un bar tiki et un feu de camp pour s’y croire vraiment. Pour s’immerger pleinement, le chef (percussionniste lui-même) fait d’ailleurs participer le public qui doit taper dans ses mains en rythme à la fin du morceau. 

Les percussions en back room : ensembles discrets et pratiques alternatives

Pour ceux qui préfèrent l’extase en toute intimité, entre les deux tuttis, le concert s’organise en stations de quelques instrumentistes donnant sans temps mort (sur le modèle des mouvements d’une symphonie) une série de compositions contemporaines diverses. Car oui, à la Halle aux grains on s’adonne même aux plaisirs insolites et non conventionnels ! Citons parmi les plus curieux : Japura River de Philip Glass, joué sur objets détournés, des récipients de cuisine avec ses ostinatos qui rentrent en tête et l’apparition progressive des différents instruments, Postlude for bowed vibraphone d’Elliot Cole joué par quatre instrumentistes actionnant un vibraphone avec des archets de violons.

Frisson garanti par la délicatesse du son se posant sur le tympan ou encore Silence must be de Thierry de Mey qui consiste à faire entendre des sons fictifs par les mimes du chef d’orchestre seul sur son podium face au public, une fois le malaise passé le cerveau fait son œuvre et aussi surprenant que cela puisse être, on associe des sons au mouvement (qui seront ensuite rejoints par de vrais percussions placées dans les gradins pour les chœurs). Les jeux de lumières contribuent à faire varier les ambiances au fil du concert : que ce soit en renforçant la confidentialité avec une obscurité assez intense soulignant la lueur du son des petits effectifs à peine éclairés, par la progression solaire des projecteurs jaunes accompagnant les crescendos de Daphnis ou les spots colorés et mobiles égaillant Danzon n°2.

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Christophe Dewarumez : le kamasutra de la percussion révélé au public 
© Romain Alcaraz

Le concert Happy Hour c’est aussi les explications et anecdotes, les traits d’humour et le franc-parler de Christophe Dewarumez, le plus expérimenté des percussionnistes de l’orchestre dont il est membre depuis 1985. Il donne quelques points sur l’histoire des percussions et leur emploi dans la musique savante, dont on apprend qu’il fut largement développé par des compositeurs français : les cloches de la symphonie fantastique, le xylophone de la danse macabre, la caisse claire du boléro, mais aussi sur son parcours au sein de l’orchestre avec un petit moment d’émotion où il fait monter sur scène deux de ses anciens collègues percussionnistes de l’époque de Michel Plasson. 

Le public est aux anges et applaudit avec vigueur les musiciens (parfois même avant d’attendre la fin du morceau). Il est récompensé par un rappel arrangé par Renaud Detruit (qui compte aussi parmi les interprètes invités) rassemblant tous les percussionnistes de la soirée dont Louise Fache qui pose les baguettes pour prendre le micro et assurer les parties de voix et Florent Barnaud qui s‘ajoute aux quinze percussionnistes, venu spécialement pour ses compétences en basse électrique (et que les toulousains ont plus l’habitude de voir à la contrebasse). Percutant…

*(Jean-Sébastien Borsarello, Emilien Prudhomme, Thibault Buchaillet, Louis Lebreton, Jasper Mertens et Christophe Dawarumez)

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