DANSE – Portrait est un des spectacles les plus personnels de Mehdi Kerkouche. Il y dresse une photo de famille avec des danseurs d’âges et d’horizons différents. On en ressort enthousiaste avec une folle envie de danser au prochain repas de famille…
Mehdi Kerkouche, l’enfant prodigue
On ne présente plus Medhi Kerkouche et son ascension fulgurante. Jeune prodige de la danse française et chorégraphe adulé d’Angèle et de Christine and The Queens, fondateur de compagnie de danse EMKA avec des profils atypiques, il est devenu le directeur du CCN de Créteil depuis janvier 2023. Sa force est de fusionner différents styles de danse notamment le hip-hop, le jazz et le contemporain, lui permettant ainsi de toucher plusieurs publics en transmettant toujours des émotions profondes. Quand on va à l’un de ses spectacles, on sait que l’on fera le plein de good vibes et que l’on aura envie de danser. Aujourd’hui, il nous présente à la Scala de Paris, l’une de ses dernières créations mais aussi l’un de ses spectacles les plus personnels : Portrait, créé au festival Suresnes Cités Danse en janvier 2023.
Lucie Antunès : la sœur aux platines
Avec Portrait, Mehdi Kerkouche a décidé de déconstruire le mythe de la famille sur la musique électronique ensorcelante de Lucie Antunès. Il brosse un Portrait au vitriol de la famille et la décortique sur tous ses aspects : en passant par les moments de pur bonheur mais aussi par ses côtés sombres. Famille heureuse, embarrassante, toxique, absente ? Et, si oui, comment y échapper ? Comment s’y réfugier dans nos moments de doute et de faiblesse ? Il est aussi question d’affirmer son individualité au sein d’un groupe que l’on n’a pas choisi mais qui nous façonne. « On subit sa famille, on choisit ses amis » comme le disait déjà Napoléon III. Il savait de quoi il parlait…
« Mehdi, t’es pas dans le cadre !«
Dans la première partie, huit danseurs difficilement distinguables dans la lumière tamisée sont contenus dans un rectangle noir au sol, comme un cadre de photo. Ils viennent chacun d’un environnement de danse différent : hip-hop, contemporain ou cabaret. Chacun essaye d’imposer son style et cherche sa place dans ce cadre imposé. Ils s’évitent, se touchent, s’embrassent, s’empoignent, se disputent et parfois se figent en arrêts sur images instantanés. Ensuite quelques chaises viennent mimer une grande tablée familiale où l’on rit et où l’on se dispute.
Mère intérieure
Et puis au centre il y a cette figure maternelle, une danseuse sexagénaire qui éblouit toute la scène aussi bien par sa danse toute zen que par la douceur et la luminosité de son visage. Il émane d’elle une bienveillance et une spiritualité qu’elle transmet à cette jeune génération. Elle est incarnée par une danseuse classique américaine Amy Swanson, digne héritière de la danse d’Isadora Duncan avec sa tunique blanche légère et ses pieds nus.
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Fou frère
Plus le spectacle avance, plus la chorégraphie monte en intensité. On retiendra particulièrement cette scène où Matteo Gheza tourne sur lui-même pendant un temps indéfinissablement long, comme un homme devenant fou avant de retomber dans les bras de ses pairs. Limite flippante, cette scène nous tient en haleine. Puis, on assiste à des scènes de violentes altercations entre deux danseurs. Pour finir en apothéose avec une dernière partie sur Curtains d’Elton John, qui vient comme un cheveu sur la soupe et nous plonge dans les années discos où les danseurs sont habillés de vêtements des années 70. Un beau portrait de famille Pop tout en couleur. Euh, au passage : il est à qui le chat sur la photo ?
Bref, Portrait est un spectacle réussi qui nous transporte dans un tourbillon d’énergie tout en nous proposant une réflexion sur la famille. Alors, au lieu de se disputer au prochain repas de famille : on danse ?
