En Attendant Und

COMPTE-RENDU – Nous sommes le 1er mars 2024, à l’Opéra de Massy et nous attendons… pour assister à Und, monodrame écrit par Howard Barker ici proposé en version lyrique composée par Daniel D’Adamo et mise en scène par Julie Delille. Nous attendons et nous attendrons aussi durant le spectacle, et puis encore ensuite face à cette proposition incontestablement originale mais singulièrement curieuse…

Une attente interminable

Und, c’est l’histoire d’une femme (simplement nommée « Und » : « Et » en allemand) qui patiente, et nous patientons à la voir patienter. Elle semble attendre quelqu’un, un homme mystérieux dont on ne sait rien. Cette femme est seule sur scène et elle le restera jusqu’à la fin. Alors que l’on cherche à comprendre qui elle est et ce qu’elle attend, la narration se complexifie au fil de l’œuvre. Son long monologue ne cesse de prendre des directions inattendues en ouvrant de multiples parenthèses qui semblent détachées de la trame narrative principale. Il devient difficile de suivre et d’anticiper où elle va, où tout cela va, où l’on va, car on voudrait y aller avec elle au moins pour la soutenir : bloquée dans une attente qui n’en finit pas, cette femme semble perdue et nous perd avec elle. Cet effet déroutant est totalement le propos de ce texte, celui de faire vivre la souffrance amoureuse qui attend. Cet effet déroutant est voulu et assumé puisqu’il est soutenu par une syntaxe approximative, des respirations inattendues, des phrases incomplètes et plus étonnamment encore par l’orchestre.

Musiciens-personnages

Musicalement aussi, nous attendons… L’Ensemble TM+ (en octuor avec électronique) dirigé par Laurent Cuniot prend part à l’histoire en interagissant directement avec le personnage sur scène, notamment à l’aide d’une cloche qui donne des indications scéniques. De manière générale, la musique est “en accord” avec le texte, dans des lignes mélodiques très disjointes, des harmonies peu nombreuses et dissonantes. Dans cet accord du désaccord, la musique offre un véritable soutien à la narration en participant à renforcer l’effet de confusion (à moins que ce ne soit la narration qui soutienne la confusion musicale). La précision et la virtuosité des musiciens emportant la maîtrise saisissante de cet orchestre mérite d’autant plus d’être soulignée et elle impressionnera même les oreilles déstabilisées par la partition. Quant aux sonorités, un véritable travail de recherche a été effectué en explorant au maximum le timbre des instruments et en jouant de façon poussée sur les nuances : de quoi surprendre, mais dans une surprise permanente qui finit par lasser. Nous sommes ainsi dans l’attente qu’il se passe quelque chose sur scène et qu’il arrête de se passer mille choses dans la musique.

Une sempiternelle avancée

Scéniquement aussi nous attendons… La mise en scène représente cette attente, du mouvement et de son arrêt. La chanteuse s’avance très lentement à travers cette scène où des statues blanches de chiens forment une ligne. Durant toute la durée de la pièce, le personnage avance ainsi, lentement, comme un inexorable compte à rebours vers l’inconnu (en passant par des jeux d’ombres et de lumières mis en valeur par la simplicité du décor). Mais, bonheur inattendu : la soprano Gaëlle Méchaly livre une performance époustouflante, déployant sa puissance vocale, sa précision, son endurance et sa maîtrise à travers ses lignes mélodiques aussi déroutantes que celles de l’orchestre.

À Lire aussi : « Und » l’étrange monologue de Nathalie Dessay

Le talent de ces artistes et l’élaboration de ce projet, évidents, viennent ainsi d’autant plus contraster avec le flou des écritures (texte et musique) mais en offrant aussi une forme d’oxymore et d’esthétique très particulière : ce qui fait de Und une œuvre Undéfinissable et Inattendue.

Gaëlle Méchaly (© Jihyé Jung)
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