Strauss : Richard, pas Johann

COMPTE-RENDU – De jeunes musiciens chambristes nous ont conviés à un concert digne et fort, lundi 22 avril aux Bouffes du Nord, dans le cadre de la Belle saison : Les Métamorphoses, de Richard Strauss, dans leur version à sept musiciens, précédées de son Quatuor avec piano opus 13. De quoi plonger avec délices et frissons dans les tourments de l’expressionnisme finissant.

En musique classique, le nom Strauss est porté par deux personnalités bien différentes : Johann le Viennois, roi de la valse éponyme, et Richard le Bavarois, apologue du poème symphonique post-romantique. Si les deux maîtrisent à merveille l’écriture de la plus célèbre des danses, la musique de l’un prône la légèreté et l’amusement, pendant que celle de l’autre invite à l’exploration des tréfonds de l’âme et de leurs agissements.

Guerre de naguère

Cela vaut tant pour son quatuor avec piano opus 13, une œuvre de jeunesse, que pour ses Metamorphosen (Métamorphoses), composées à la fin de sa vie, sur les ruines de la capitulation allemande. Dans les deux cas, la richesse et l’élasticité de la pâte sonore frappent, avec une remarquable emphase du propos pour les Métamorphoses, testament musical de la fin d’une époque esthétique (et historique). Bien que soixante ans séparent ces deux pièces, l’idée est pertinente de les associer en concert, tant elles forment l’alpha et l’omega d’une grande arche musicale qui engloberait en son milieu des chefs-d’œuvre absolus, comme Also sprach Zarathustra (‘Ainsi parlait Zarathoustra’), eine Alpensinfonie (‘une symphonie alpestre’) ou encore der Rosenkavalier (‘le Chevalier à la rose’).

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Pour interpréter ces deux œuvres, se sont présentés, dans la semi-obscurité emplie de mystère du théâtre des Bouffes du Nord, de jeunes interprètes chambristes prometteurs : les membre du Trio Arnold (Shuichi Okada, violon, Manuel Vioque Judde, alto et Bumjun Kim, violoncelle) et le pianiste Nathanaël Gouin, pour le trio avec piano opus 13, puis les membres du Trio Arnold auquel se sont joints la violoniste Manon Galy, l’altiste Grégoire Vecchioni, le violoncelliste Aurélie Pascal et la contrebassiste Laurène Helstroffer Durantel, pour Metamorphosen.

Ligne claire

Si l’interprétation de l’opus 13 a semblée un peu empruntée, manquant souvent de précision et de justesse, celle de Metamorphosen a largement balayé les doutes. Les sept instrumentistes ont porté avec bravoure et grandeur, tout en maintenant une forte cohésion, cette partition d’une rare intensité, ce long adagio d’une petite demi-heure, traversé de thèmes crépusculaires et mystiques. Dans cette pièce, la conduite du discours, du flux musical est vraiment essentielle. Menés par le violoniste Shuichi Okada et parfaitement cadencés par la contrebassiste Laurène Durantel, les sept musiciens ont véritablement œuvré de concert, faisant s’épanouir chaque ligne et intention musicales.

Un beau moment d’intelligence musicale chambriste dans l’acoustique si précieuse des Bouffes du Nord.

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